François Delpla retranscrit incomplètement, sur son site, les débats dans lesquels il a été mis en difficulté. Un exemple, un
autre exemple ? Cette
page web en témoigne : le lecteur est amené à croire que François Delpla a remporté la victoire et obtenu le dernier mot. En réalité,
il n'en est rien, de même que l'a établi cet
autre fil.
Par cette retranscription très sélective, François Delpla est amené Ã
passer sous silence certains faits gênants s'agissant de ses théories.
Rappelons que selon lui, et dans l'hypothèse où l'Angleterre et la France auraient signé la paix proposée par Hitler à la fin mai 1940,
le dictateur nazi aurait renoncé (!) à envahir l'U.R.S.S. et aurait été disposé à éviter aux Juifs le génocide qu'ils ont subi.
A dire vrai, comme je le démontrais, preuves à l'appui (par le biais, notamment, de citations extraites de
Mein Kampf, la bible du national-socialisme, l'ouvrage qui permet le mieux d'appréhender la personnalité et les objectifs de Hitler), la théorie "pacifiste" de François Delpla ne tenait évidemment pas debout (voir les liens
supra).
Mais il ajoutait que Hitler avait pris la décision d'envahir la Russie après l'attaque britannique de Mers el Kébir, le 3 juillet 1940. La résolution de Churchill l'aurait en effet amené à forcer le destin, et à s'en prendre à l'Union soviétique. Et voici quelle était sa preuve :
C'est très clair d'après les journaux de Jodl et de Halder : avant le 3 juillet, il n'est question que de ménager la bonne entente avec l'URSS pour isoler la Grande-Bretagne et la contraindre à la paix; après, il n'est question que de liquider l'Etat soviétique.
Il convient de préciser qu'il s'agissait là de la seule et unique preuve jamais avancée à l'appui de ses affirmations. Or, en elle-même, cette preuve ne prouve rien, comme je le précisais dans ma réponse :
Ce qui se révèle là être une interprétation tendancieuse des journaux de Jodl et Halder. En vérité, ce dernier songe depuis le mois de mai à préparer l'invasion orientale. C'est à la mi-juin qu'est élaborée une première mouture du plan, baptisé Otto. Dès le 25 juin, des troupes sont redéployées à l'Est - voir Benoît Lemay, Erich Von Manstein. Le stratège de Hitler, Perrin, 2006, p. 200. Si Hitler n'en sera informé que le 21 juillet, il est difficile à admettre que de telles manoeuvres aient pu s'effectuer à son insu : il a ainsi laissé faire, préférant voir ses généraux agir d'eux-mêmes plutôt que de les solliciter, quitte ensuite à jouer la surprise. Et ce n'est que le 29 juillet que le Führer communique sa décision à Keitel et Jodl, puis à ses autres haut-responsables de l'armée deux jours plus tard. C'est qu'entre-temps, l'Angleterre a officiellement rejeté sa dernière proposition de paix... avant la suivante.
Ces faits prouvent que Hitler a laissé se développer l'idée d'une invasion de la Russie parmi ses généraux avant Mers el Kébir. Vous prétendez, mais sans le prouver, que le raid britannique a scellé sa décision : en réalité, cette décision était déjà prise depuis longtemps. Tout au plus l'intransigeance britannique lui permet-elle de mieux faire avaler, aux plus récalcitrants de ses généraux, la pilule de Barbarossa - et encore, certains ne vont-ils pas s'inquiéter d'une guerre sur deux fronts ?
Cette réplique n'a jamais été commentée par François Delpla, qui s'est pourtant abtenu de la reproduire sur son site, alors que
sa page web "retranscrivant" notre débat lui donne abusivement le dernier mot.
De même, ces omissions de sa part auraient pu à la rigueur s'expliquer par une étude lacunaire du dossier. Mais à la lumière de ce qui va suivre, il lui faudra m'apporter une autre explication.
D'après François, les journaux des généraux Jodl et Halder ne faisaient nullement mention d'hostilités avec l'U.R.S.S. avant le 3 juillet 1940 ? Outre que cette "preuve" n'en était pas une,
il se trouve que j'ai cherché à vérifier son affirmation.
Et voici ce que j'ai trouvé dans le Journal du général Halder, à la date du 2 juin 1940 : Hitler a affirmé ce jour-là que
"maintenant que l'Angleterre est prête à signer la paix, il va régler leur compte aux bolcheviks" (cité dans Alexandre Nekritch,
L'Armée rouge assassinée, Grasset, 1968, p. 39, et dans Karl Klee,
Das Unternehmen "Seelöwe", Musterschmidt, 1958, p. 189).
Bref, Hitler a bel et bien déclaré à ses généraux qu'il comptait liquider l'U.R.S.S. sitôt la paix signée avec la Grande-Bretagne. Et il l'affirme bien avant Mers el Kébir. Un mois avant, pour être exact.
Ce qui n'empêche nullement François Delpla de prétendre publiquement que
"d'après les journaux de Jodl et de Halder : avant le 3 juillet, il n'est question que de ménager la bonne entente avec l'URSS pour isoler la Grande-Bretagne et la contraindre à la paix; après, il n'est question que de liquider l'Etat soviétique" !
Les termes employés par le
Führer le 2 juin 1940, non seulement démentent catégoriquement l'assertion de François Delpla, mais annihilent sa thèse thèse, car démontrant que Hitler envisageait bel et bien une invasion de l'U.R.S.S. après la conclusion de la paix avec la Grande-Bretagne. Et il s'agit là ... comment disait-il déjà ... ah oui : de
"propos d'époque".