Wiesenthal est un ancien déporté, chasseur de nazis par souci de faire appliquer la Justice. C'est un détective patient, passionné, mais aussi partial - et plus ou moins à dessein - dans ses déclarations.
C'est ainsi qu'il prétend avoir aidé le Mossad à retrouver Eichmann, mais l'affirmation est inexacte - dixunt les spécialistes de l'affaire, vétérans compris. Il a également affirmé à de nombreuses reprises pouvoir retracer le parcours erratique de Josef Mengele à travers l'Europe et l'Amérique du Sud - mais le biographe du médecin SS, Gerald Posner, a depuis démontré que ses déclarations étaient totalement fantaisistes. Wiesenthal est allé jusqu'à douter du fait que le cadavre de Mengele retrouvé en 1985 appartenait bien au sanguinaire docteur, malgré l'expertise médico-légale qui l'établissait formellement. Il a longtemps clamé que Martin Bormann avait survécu à la guerre, et se proclamait capable de repérer ses quartiers-généraux, avant de se rendre à l'évidence dans les années 70.
Plusieurs explications peuvent permettre de comprendre de telles erreurs. En premier lieu, Wiesenthal effectuait un job de policier, faute pour lui d'avoir accès - évidemment - à toutes les informations vitales. En second lieu, multiplier les déclarations fracassantes sur Bormann, Mengele et Eichmann permettait d'entretenir la flamme de la mémoire. A cet égard, il serait injuste de renier les succès de sa démarche, car il est parvenu à identifier moult anciens nazis, en Autriche surtout. Enfin, la légende autour d'Eichmann lui conférait une réputation censée conforter ses donateurs... et inquiéter ses cibles. La médiatisation restait sa meilleure arme.
En conséquence, ses théories sur le Vatican ne sauraient être reçues pour argent comptant. Elles impliquent une analyse serrée, et non un simple recopiage. Cette analyse serrée a eu lieu, de la part d'historiens tels que Loftus, Phayer, Graham, et si les premiers concluent - sans preuve... concluante - à l'implication de Pie XII, le troisième le réfute. Bref, je me contente de cette phrase suivante : j'ignore quel a été le rôle du Pape en la circonstance. Il est possible qu'il ait su, il est également possible qu'il ait été mené en bâteau par Hudal, dont la quasi-indépendance est connue.
L'Eglise, fortement hiérarchisée ? Pas si sûr. Le prétendre reviendrait d'ailleurs, aux contempteurs de Pie XII, à se tirer une balle dans le pied, car des sauvetages de Juifs ont été effectués par des catholiques, et pas des moindres (par ex. et au hasard: le nonce Roncalli, futur Jean XXIII, Pape extraordinaire s'il en est) : à prétendre que Pie XII contrôlait tout, savait tout, à la manière du patron d'un système totalement centralisé, intégralement bureaucratisé, parfaitement huilé, bref un poil totalitaire, c'est en ce cas reconnaître ipso facto qu'il a aussi sauvé des Juifs.
En vérité, et c'est ce que je disais précédemment, Pie XII a laissé faire Roncalli et les autres prélats dans leurs stratégies de sauvetage, sans pour autant se mettre en première ligne pour éviter de trop fortes représailles allemandes sur le monde catholique. |