Les Croix de Feu du colonel de La Rocque étaient-ils proto-fascistes ? Pendant longtemps, l'amalgame fut fait, un peu trop rapidement d'ailleurs. Mais depuis quelques années, des chercheurs ont apporté des nuances importantes sur ce vaste rassemblement d'anciens combattants anticommunistes mais qui est resté dans la légalité, alors qu'il pouvait faire basculer les événements de 1943 en participant à un renversement du régime républicain, transgression refusée par leur chef qui entrera en Résistance durant les années noires.
Un essai sort aux éditions Champ Vallon. Présentation :
Qui a inventé la devise « Travail Famille Patrie » ? Ce ne sont pas les fondateurs du régime de Vichy en 1940. C’est, entre 1932 et 1934, le colonel de La Rocque, chef des Croix-de-Feu, une association d’anciens combattants décorés pour héroïsme pendant la guerre de 14-18. Cette ligue nationaliste est au cœur des polémiques sur l’existence d’un fascisme authentiquement français. Au nom de leurs sacrifices dans les tranchées, les Croix-de-Feu exigent un gouvernement assez fort pour garantir la sécurité de la France contre l’ennemi allemand, mais aussi contre les « ennemis de l’intérieur », communistes et pacifistes. Pour réveiller le patriotisme et intimider l’extrême gauche, les Croix-de-Feu multiplient défilés et rassemblements de plusieurs dizaines de milliers de militants. Ces attroupements sont organisés dans le plus grand secret et impressionnent par leur mise en scène (milliers de voitures en convois, manœuvres d’avions privés). Les animateurs du Front populaire veulent y voir la préparation d’un coup d’État pour instaurer une dictature fasciste. En fait, La Rocque veut faire revivre l’Union sacrée de 14-18 pour réconcilier tous les Français au-delà des divisions sociales et partisanes. Les Croix-de-Feu se sentiraient liés par leur code de l’honneur : leurs exploits guerriers pour la victoire les obligeraient désormais à des exploits civiques pour empêcher toute révolution de type bolchevique. Après l’émeute antiparlementaire du 6 février 1934, La Rocque lance ses hommes dans une croisade caritative contre la misère, dans l’espoir de reconquérir la classe ouvrière. Les soupes populaires remplacent peu à peu les démonstrations de force. En 1936, La Rocque refuse toute riposte lors de la dissolution de son « mouvement » par le gouvernement Blum, puis s’intègre au système institutionnel en créant le Parti social français. Finalement, les Croix-de-Feu refusent le totalitarisme fasciste, parce qu’ils ont encore confiance dans la volonté des Français de se sacrifier pour la Patrie.
Albert Kéchichian, Les Croix-de-Deu à l'âge des fascismes. Travail Famille Patrie, éd. Champ Vallon.
RC |