Après avoir pris une part sérieuse aux opérations de débarquement, "La Combattante" a poursuivi sa tâche, consistant, comme tous les bâtiments de sa classe, à effectuer les patrouilles de protection le long des côtes françaises encore occupées par les Allemands. C'est au cours d'une de ces patrouilles, au moment où l'ennemi commençait à évacuer Le Havre, que La Combattante a envoyé par le fond, en trois nuits consécutives, quatre bâtiments marchands allemands, en endommageant plusieurs autres. Tout cela sous le feu des batteries côtières chargées de protéger les convois qui tentaient de fuir Le Havre à moins de 2.000 yards des côtes.
Avant notre départ, le commandant en chef nous avait dit "Je vous mets là, parce que vous êtes "La Combattante". Cela nous suffisait.
A nous le sport. Ça ira !
Pendant le trajet du port où nous étions basés au lieu de la patrouille, il fallait voir l'atmosphère qui régnait à bord. Les canonniers vérifiaient leurs pièces. On préparait les munitions. Chacun se frottait les mains et se disait : "A nous. On va leur montrer ce que nous savons faire". Le tout agrémenté de quelques qualificatifs très marine en faveur des Boches.
Au point de rassemblement, nous rencontrons les amis avec lesquels nous avions l'habitude de "travailler" et en route... L'action ne se fit pas attendre. Peu après minuit, nous avions déjà pris contact avec l'ennemi. La mer était calme, le temps splendide, la visibilité magnifique. Nous nous rapprochions toujours des côtes françaises qui, entre Le Havre et Etretat, nous laissaient voir leurs arêtes crayeuses. Nous apercevions aussi les départs des coups des batteries de côte que les "fridolins" avaient encore à ces endroits en ce temps-là !
Et puis, l'ordre d'attaquer arrive. Nous y allons.
- En avant, toute.
Chacun est à son poste. Le radar annonce les distances, les chiffres diminuent progressivement, puis l'ordre : "Eclairez" vient de la passerelle... Ah, les s...agouins. Nos éclairants vont dans les falaises. Néanmoins, "ils" étaient repérés. "Ouvrez le feu" hurle la passerelle ! Alors, avec sa puissance de feu étonnante pour sa taille, "La Combattante" crache de tous bords. Dès les premiers coups, un bateau est en flammes. Les escorteurs ripostent... mais rien de grave. Nous remontons le convoi à toute allure, essayant de faire un "carton" sur chaque bâtiment.
"A droite, toute", ordonne le pacha, et nous redescendons le convoi, le martelant toujours de nos coups meurtriers.
Au moment où nous recevions l'ordre de désengager, plusieurs bâtiments allemands étaient en flammes, et nous en avions coulés au moins deux.
Ce petit jeu s'est poursuivi trois nuits de suite. Chaque nuit nous rencontrions le gibier à détruire seulement, la troisième nuit, les batteries avaient ajusté leur tir et, au moment où nous attaquions le troisième convoi, nous étions touchés dans les superstructures - heureusement aucun blessé à bord et peu de dégâts matériels. Néanmoins cette nuit-là nous avons mis des coups de feu au but et un bâtiment fut coulé.
A l'arrivée de "La Combattante" à sa base, le Captain commandant la Flottille, venu à bord, félicita l'équipage de la part du C.-in-C. et nous dit:
"Lorsque plus tard vous direz à vos enfants que vous étiez à bord de "La Combattante" durant cette guerre, je vous assure que cela signifiera que vous avez vraiment fait la guerre."
En fin de compte, nous qui voulions avoir les Boches, qui pendant des mois et des mois avions subi les rigueurs d'un entraînement sévère pour les envoyer par le fond, nous les avons eus !
Et c'est là toute la récompense que nous attendions de ces longs mois d'efforts. Nous étions largement payés.
(Extrait du "Bulletin Officiel de la Marine Française".)
Revue de la France Libre 1951
Amicalement
Jacques |