Le soir, j'étais invité chez le vieux maréchal Pétain; on ne lui aurait pas donné ses quatre-vingt-cinq ans. Il avait des yeux clairs et attentifs ; il parlait souvent avec beaucoup d'aisance et avait la répartie prompte. Il dit à Darlan, au cours de la soirée: "Etes-vous au courant de cela ? On colporte que j'entretiendrais une maîtresse dans les environs de Vichy. C'est quelque chose cela, n'est-ce pas? On ne prête qu'aux riches". Puis, il sembla avoir de nouveau des absences, mélangeant amis et ennemis et ne se retrouvant apparemment plus dans ses idées.
Il avait d'abord parlé clairement et posément. "Je suis un vieil homme, me dit-il, et je n'ai plus qu'une ambition, c'est d'arriver a une paix convenable et durable avec l'Allemagne. Il faut une bonne fois que nous sachions où nous en sommes. Je partage le sentiment de votre gouvernement sur la question de la défense contre le communisme, et nous serions prêts également à participer à ce combat, si nous parvenions à nous entendre clairement et honnêtement."