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La Flotte convoitée

Anthony Heckstall-Smith

"La flotte convoitée" ! Un ouvrage qu'on hésite à proposer sur LdG ! Et puis pourquoi pas ? LdG n'est-il pas ouvert à toutes les opinions et à toutes les tendances historiographiques ?
L'auteur est Britannique et ce n'est pas la moindre des singularités. En mauvais sujet de sa Majesté la Reine d'Angleterre, Anthony Heckstall-Smith prend le parti de la Royale française ignominieusement agressée par une Royal Navy à la solde de l'ignoble Winston Churchill et son impitoyable Cabinet de guerre.
Tout de même, le livre ne manque pas d'intérêt comme ressource documentaire. Les affrontements sanglants sont décrits dans le moindre détail et au fil des pages, le lecteur éprouve une étrange sympathie pour ces marins français qui se sont sacrifiés pour une cause perdue. L'aveuglement - l'honneur et le devoir, dira l'auteur - de leurs chefs aux ordres de Vichy n'en est que plus pitoyable. La marine française n'est pas restée inactive ! Elle s'est battue, et souvent, et avec bravoure... contre les Alliés.

L'avant-propos de l'édition française donne le ton :

*** Dans ce volume, Anthony Heckstall-Smith relate les évènements douloureux de 1940, 1941 et 1942 qui opposa les marines française et britannique, l'une et l'autre obéissant aux ordres de leur gouvernement. Plus de vingt-cinq ans se sont écoulés depuis l'évacuation de Dunkerque, depuis le drame de Mers el-Kébir et celui de Dakar. Sur ces événements et sur les rencontres sanglantes d'Oran et de Casablanca en novembre 1942, le lecteur français a déjà pu lire, ces dernières années tout au moins, d'excellents récits préparés par des auteurs qualifiés. Il faut un minimum de temps, en effet, pour décanter l'Histoire, retrouver et savoir utiliser d'indispensables documents.
Jusqu'à présent, cependant, la quasi-totalité des ouvrages publiés outre-Manche s'en tenait, quant aux événements dont il est question dans ces pages, à une thèse "officielle" correspondant à des relations des faits dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles étaient trop souvent incomplètes, voire tendancieuses. Cela est encore plus vrai quand il s'agit de certaines opinions et appréciations telles qu'il en a été publié dans des mémoires de guerre aux intentions plus ou moins intéressées, même les plus fameux...
L'intérêt du livre d'Anthony Heckstall-Smith - c'est aussi son mérite - est précisément, que cet auteur anglais s'écarte très largement des "sentiers" trop bien tracés dans lesquels ses compatriotes ont tendance à se fourvoyer, poussés comme ils le sont souvent par l'idée que leur pays ne saurait se tromper... hélas ! ... Heckstall-Smith a fait appel largement aux sources françaises pour les confronter avec les sources britanniques, voire américaines. Il en a tiré des conclusions qui s'opposent parfois à celles de l'histoire telle qu'elle a, trop souvent, été racontée été racontée en Angleterre. D'aucuns trouveront, peut-être, qu'il traite un peu longuement de la disgrâce de certain de certain amiral anglais, consécutive à la bataille de Dakar en septembre 1940. L'épisode, au contraire, nous paraît très significatif du climat dans lequel plusieurs grands chefs politiques et militaires anglais ont agi et réagi. Et il est intéressant de lire sous une signature anglaise, non seulement une mise au point - dirons-nous absolument... - du cas Darlan, mais aussi une critique sévère du comportement et des décisions des membres du cabinet de guerre - sir Winston Churchill en tête - de l'Amirauté britannique. Les immenses et les lourdes responsabilités qui accablaient alors ces hautes autorités ne sont tout de même pas une excuse ! ***

Notons encore que la moitié du livre est consacré au drame de Mers el-Kébir.

Francis Deleu.

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