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L'opinion française sous Vichy

Les Français et la crise d'identité nationale : 1936-1944

Pierre Laborie

Un livre dense qu'il convient d'aborder l'esprit clair et dispos ! Plutôt que de me livrer à l'impossible sinon redoutable présentation de l'ouvrage, laissons ce soin à Claude Levy qui préfaça la première édition :

*** Le présent ouvrage est appelé un grand retentissement à la fois par son contenu, dont esprit est vraiment neuf, et en raison de la méthode qui a présidé à ses recherches. Pierre Laborie s'en est expliqué d'entrée de jeu en affirmant que les phénomènes d'opinion et spécialement "la compréhension des comportements collectifs passent moins par leur mise en relation avec des faits réels que par l'analyse des représentations mentales travers lesquelles ces idées et ces faits sont perçus, vécus, commentés et jugés par les contemporains". La familiarité qu'il a de la grande presse aquitaine de la fin des années 1930 et de la décennie suivante, et des sources d'archives (en particulier des rapports du contrôle postal de guerre) lui a permis d'établir comment l'opinion avait fonctionné au cours de cette période. Il a montré avec beaucoup de finesse que bien avant l'instauration du gouvernement de Vichy, les attitudes mentales des Français étaient nourries de systèmes de représentation qui s'organisaient "toujours en fonction d'une image supposée de "l'autre" qu'il soit événement, référence abstraite, objet ou personne", et que leurs propres obsessions étaient renforcées sous l'effet de jeux de miroir qui utilisaient les 'strates perméables' de l'imaginaire social. Il n'est pas possible de parler de l'opinion publique au début de l'été 1940, si l'on a pas présents esprit "le passage alterné de la peur à la fragile sécurité d'une confiance sur commande (et) la crise des idéologies" qu'avaient connus les Français depuis la fin des années 1930, "drôle de guerre" comprise. Des dérives et des engrenages ont conduit le pays à Vichy avant que son gouvernement s'y soit fixé.
P.Laborie aussi beaucoup apporté sur l'attitude de la population pendant "les années noires". Avec pénétration et nuances, il a remis bien des pendules à l'heure, s'élevant au passage contre une notion trop souvent utilisée d'une opinion qui aurait fluctué "en fonction de la présentation des événements extérieurs". Il montré que si attentisme il y a eu, celui-ci devait être soigneusement analysé en tenant compte d'une chronologie aussi fine que possible, de la pesanteur des préoccupations quotidiennes et de la pression idéologique de Vichy qui fut loin d'être négligeable; On ne pourra donc plus parler des "attitudes attentistes" sans se référer à la magistrale démonstration qu'en donne cet ouvrage.
Ses conclusions concernent-elles les régions de l'Aquitaine intérieure dont l'auteur a dépouillé l'essentiel des archives ou l'ensemble du pays pour lequel des documents d'intérêt général ont été consultés aux Archives nationales ? Peuvent-elles au moins être étendues à la zone dite "non occupée" comme le suggère ici P.Laborie ? On souhaite que des travaux analogues soient entrepris dans la foulée de ce beau livre qui est en même temps un livre pionnier et un livre de référence.
***

Egalement la 4e de couverture de l'édition au format de poche :

*** Pour l'historien, le véritable enjeu est toujours de chercher à comprendre pourquoi la France a pu, sinon se coucher, du moins se laisser entraîner dans la spirale de la concession; comment, au bout de quelle usure, de quelle fatigue, de quelle désespérance, de quelle humiliation, de quels désenchantements, de quelles incompréhensions, de quels aveuglements, de quelles attentes, de quelles illusions, de quels rêves de futur, elle a pu s'enliser dans cette culture de la défaite et du renoncement.
Pierre Laborie, pour répondre à ces questions, donnait à l'historiographie de la France de Vichy un maître livre qui refusait d'enfermer les Français et leurs opinions dans une typologie convenue, préférant interroger les représentations et les imaginaires d'une nation soumise depuis le drame de 1914 à une des plus graves crises d'identité de son histoire.
***

Enfin, la table des matières, dense comme le contenu du livre :

Avant-propos. Préalables et premiers repères
L'histoire-prétexte - Lacunes et approximations - Les prismes de l'imaginaire - Les engrenages du passé - Pas de mécanique fatale - Des limites

PREMIERE PARTIE : LA CRISE D'IDENTITÉ NATIONALE SOURCES, MÉTHODES, PROBLÈMES

I. Sources et idéologie
Le secret des correspondances - Des discours sous influence - Des situations révélatrices

II. Opinion et représentations
Observer de l'intérieur - Réalité de l'événement­-imaginaire - Le poids des représentations - ­Facteurs et modes de construction des représentations - Hiérarchie des préoccupations

III. La crise d'identité nationale
Fragilité du référent commun - Divisions et confu­sions - Deux grandes interrogations

DEUXIÈME PARTIE : VICHY AVANT VICHY ? DÉRIVES ET ENGRENAGES

Introduction
Pas de Vichy-parenthèse - Des mécanismes sous-­jacents

I. Les constats : un climat de confusion, des images floues et ambiguës

1. Trouble et désarroi
Le désordre idéologique - La détérioration des repè­res - La dégénérescence des symboles - L'école et la crise de la nation
2. Contradictions et ambiguïtés du pacifisme
Un immense besoin de paix - Un consensus fragile - Un pacifisme multiforme - Pacifisme et antifascisme : les contradictions de la gauche socialiste - Pacifisme et antifascisme : l'extrême gauche révolutionnaire - Le Parti communiste et le pacifisme - Néo-pacifisme des nationaux et anticommunisme - Le pacifisme, facteur de confusion

II. Une situation d'anomie : aveuglements et dérèglements

1. Ambivalence et nouvelles ambiguïtés
L'ambivalence du projet politique - Deux images symboliques - Le refuge de l'équivoque - Le cinéma entre la confiance et l'angoisse
2. Les dérives vers l'irrationnel
Les stéréotypes - La xénophobie - L'antisé­mitisme
3. La désintégration du tissu social. La grève du 30 novembre 1938


III. Les mécanismes. Logiques et engrenages

1. La logique de l'immobilisme et du renoncement
2. La logique de l'aveuglement
3. Prismes réducteurs et myopie hexagonale
Le miroir espagnol - Le danger extérieur - ­L'Église catholique et l'apostasie
4. L'engrenage de la peur
La rumeur de septembre 1936 - Psychose et logique de la peur - Les perceptions des autorités - Les troubles du clergé - L'Espagne et la peur

Premier bilan: la France en pente douce
La confusion - La crise de la nation - Réso­lution ou résignation ? - Les racines fragiles de Vichy

TROISIÈME PARTIE : LES REPRÉSENTATIONS DOMINANTES ET LE MOUVEMENT DE L'OPINION 1940-1944

I. Septembre 1939-juin 1940 : régression et enlise­ment - 1940-1944: perspectives

1. Les logiques de la drôle de guerre
Guerre introuvable, guerre trouble - Les logiques de l'attente - La manipulation de l'opinion - Le poids de l'exode
2. Perspectives et problèmes
Un premier état des lieux - Des variables d'influence

II. 1940-1941 : le ralliement et ses malentendus
Penser Pétain - Expier

1. Mécanismes et limites du ralliement
Retrouver des certitudes - Forces et fragilités du maréchalisme - D'autres mécanismes d'adhésion - Repli et indifférence
2. Premiers dérapages
L'anglophilie. Montoire - Le maréchal au sommet - Premier recul de la confusion

III. 1941 : le détachement et le processus de clarification
Le vent mauvais - Le trouble d'un automne de sang - Vénération et distance critique - pre­miers signes de décantation

IV. Printemps 1942-hiver 1942-1943 : les ruptures et la lassitude

1. La consolidation des lignes de force
Sombre printemps - Rejet de l'occupant et refus de la collaboration - Ambivalences de l'attentisme
2. L'opinion et les Juifs
Éthique et préalables de méthode - Convergences - Engrenages. - Le choc de l'été 1942
3. Hiver 1942 : grisaille et pessimisme

V. Printemps 1943-été 1944 : entre la lassitude, la peur et la solidarité

1. L'évolution: certitudes et ambivalences
Le double rejet - Deux puissants facteurs d'évo­lution - Des zones d'ombre - L'épuisement et la peur
2. Mécanismes de l'attentisme et de l'ambivalence
L'attentisme, un produit de Vichy - Les logiques de "l'imaginaire Pétain"
3. Opinion et Résistance: l'exemple des maquis
Une construction de l'imaginaire - Les facteurs hostiles - Les solidarités objectives - Les solidarités construites - Les solidarités profondes
4. 1944 : des fragilités persistantes

Conclusion

Francis Deleu.

 

Editeur : Editions du Seuil (Collection "Points")
Date edition : 1990
ISBN ou ref : 2-02-012072-0
Support : livre
Genre : étude historique
Période concernée : de 1939 à 1945
Région concernée : Ouest Europe

Proposé par Francis Deleu le mardi 08 août 2006 à 16h06

Dernière contribution le mardi 17 avril 2007 à 15h43

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