L'erreur la plus commune, pour tous les hommes d'Etat, c'est de croire dur comme fer qu'il existe à chaque moment une solution pour chaque problème. Il y a pendant certaines périodes des problèmes qui n'ont pas de solution. C'est actuellement le cas de l'Algérie.
Charles de Gaulle,
cité par Edgar Faure dans ses Mémoires et déposé en exergue au chapitre 4 par Jacques Baumel.
Cette citation n'est pas - et de loin - qu'une de ces brillantes boutades du Connétable. En refermant le livre de Jacques Baumel, on a la confirmation que durant plusieurs périodes à partir de mai 1958, dans le dossier de l'Algérie, De Gaulle navigua effectivement à vue. Il essaya des formules, testa les possibles et finit par trancher au prix du sang des civils .
Vouloir aborder ce sujet sereinement reste un pari difficile tant ce chaudron bouillonnant a été épicé - et l'est encore - de reproches, plaintes, insultes et regrets des différents protagonistes de la guerre d'Algérie. Celles et ceux qui se passionnent pour l'étude des guerres coloniales (ou de libération) le savent bien. L'entreprise éditoriale de Jacques Baumel - qui restera son ultime livre - était donc risquée et je dois dire qu'il s'en est tiré avec le brio et l'élégance qui caractérisèrent toute sa vie durant l'ex-secrétaire de
Combat devenu compagnon fidèle mais lucide du Connétable.
Epaulé par l'historien François Delpla, Jacques Baumel nous raconte dans le style direct, précis, alerte et clair qui était le sien l'histoire pourtant complexe de ce
tragique malentendu.
Cette synthèse concise, accessible et historiquement précise est à ce jour le meilleur récit sur
le chemin chaotique parcouru vers l'indépendance.
Sans apporter de révélations fracassantes, les chapitres consacrés à l'affaire Si Salah, aux coups tordus menés par les services secrets français contre la willaya 4(*) et à l'intox dont Jouhaud et Alain Peyrefitte furent les pigeons sont passionnants et nous rappellent que cette guerre longue et douloureuses fut aussi faites de zones grises où évoluèrent des personnages dangereux tant au FLN que chez les activistes pied-noirs ou dans les services spéciaux français. Tous, bien sûr, voulaient imposer "leur" Algérie idéale au prix de victimes civiles broyées par des événements qu'ils avaient déclenchés.
RC
* Notamment Le capitaine Paul-Alain Léger monta des coups qui décimèrent les cadres du FLN pami lesquels ceux qui auraient dû constituer les élites scientifiques, pédagogiques et médicales de l'Algérie indépendante. Cette remarque est destinée à celles et ceux qui affirment qu'une fois les Français partis, le pays s'effondra faute de responsables compétents : ils avaient été liquidés à la suite des intox des services spéciaux français !