Bonjour,
J'ai trouvé ce livre défraîchi dans la bibliothèque qui me vient de mon père. Son nom y est écrit de sa main. C'est une réédition de 1945 et je sais qu'à cette époque, sa soif d'apprendre était grande.
Le livre d'Alexis Carrel est très attirant. Déjà par son titre qui nous laisse espérer que l'homme que nous sommes, ho combien inconnu, le sera un peu moins quand on arrivera à la dernière page. Ensuite, quand on le feuillette, on découvre un langage clair, une expression assurée. C'est visiblement un "savant" qui nous parle, sûr de lui et c'est avec plaisir que l'on adopterait ses théories.
Oui mais voilà, sous cet aspect scientifique, cet homme nous donne sans vergogne ce qui n'est en fin de compte que son opinion. Et cette opinion est parfois puante !
Classiquement, il s'élève en prédicateur de la décadence de notre civilisation et cherche à nous faire sentir qu'il n'y a qu'une seule issue salvatrice : celle qu'il préconise. Cette décadence viendrait de la dégénérescence de notre "race" et s'il y voit de moins en moins de malades, il croit voir de plus en plus de fous.
Une phrase semble avoir été écrite spécialement pour moi ***Page 23 : Après tout, nous ne savons pas si l'augmentation de la stature dans une race donnée n'est pas une dégénérescence, au lieu d'un progrès, ainsi que nous le croyons aujourd'hui.*** Docteur Carrel, 1m93, c'est grave ?
Celle ci plaira sans doute beaucoup ***Page 103 : La durée moindre de la vie de l'ovaire donne à la femme vieillissante une infériorité manifeste sur l'homme. Au contraire, le testicule reste actif jusqu'à l'extrême vieillesse. ***
Evidement, le sommet est atteint ici ***Page 388 : Mais en attendant, nous devons nous occuper des criminels de façon intensive. Peut être faudrait il supprimer les prisons. Elles pourraient être remplacées par des institutions beaucoup plus petites et moins coûteuses. Le conditionnement des criminels les moins dangereux par le fouet, ou par quelque autre moyen plus scientifique, suivi d'un court séjour à l'hôpital, suffirait probablement à assurer l'ordre. Quand aux autres, ceux qui ont tué, qui ont volé à main armée, qui ont enlevé des enfants, qui ont dépouillé les pauvres, qui ont gravement trompé la confiance du public, un établissement euthanasique, pourvu de gaz appropriés, permettrait d'en disposer de façon humaine et économique. Le même traitement ne serait-il pas applicable aux fous qui ont commis des actes criminels ? Il ne faut pas hésiter à ordonner la société moderne par rapport à l'individu sain. Les systèmes philosophiques et les préjugés sentimentaux doivent disparaître devant cette nécessité. Après tout, c'est le développement de la personnalité humaine qui est le but suprême de la civilisation.***
Bref, Carrel trouva tout naturellement sa porte de sortie : Vichy !
Ce qui est étonnant, c'est que sa pensée continua ensuite d'être imprimée dans des livres sans être précédée du moindre avertissement, et que ces livres furent même parfois des livres d'école, par exemple en Belgique.
Je vous préconise quelques antidotes : "Orange mécanique", "Vol au dessus d'un nid de coucou" ...
Fraternellement
Jacques