
Voilà un livre que j'ai envie et besoin de déposer depuis les premiers jours de Livres de Guerre.
Je l'avais dévoré lors de sa sortie et je le conservais à portée de main, m'y replongeant pour comprendre, encore et encore, enfin pour essayer de comprendre cette guerre des mémoires qui s'incarnèrent dans celui que Georges-Marc Benamou, qui l'a longuement interrogé, nommait le dernier roi de France : François Mitterrand.
Tout d'abord, Georges-Marc Benamou, il faut dire qu'on l'aime bien à "Livres de Guerre". Il fait partie de cette génération née après la guerre mais qui éprouve le besoin permanent d'en questionner avec pertinence, sensibilité et pudeur les survivants, ces derniers acteurs et témoins . Oserais-je écrire ici qu'il fait un peu partie de cette étrange famille dont les membres ne se satisfont pas des pages d'une Histoire écrite sur commande - qu'elle fût communiste, gaulliste et aussi parfois, hélas, néo-vichyste - pour l'édification des Français depuis plus d'un demi-siècle. Il y a chez cet intellectuel un romantique lucide qui avoua dans "C'était un temps déraisonnable" sa passion d'adolescence pour celles et ceux, ces quelques milliers de résistant qui furent déraisonnables. Et comme il le dit dans l'avant-propos de "Jeune homme...", François Mitterrand n'en fit pas partie.
Alors, ce bouquin, je me suis décidé à le relire entièrement, comme un devoir de vacances.
Je le dépose avant relecture, car les sept pages de l'Avant-propos de son auteur suffisent déjà en poser les fondements du débat qu'il peut susciter. En voici quelques courts extraits. Mais ils sont pour moi essentiels pour résumer le projet de leur auteur :
"Je pensais en avoir fini avec lui. J'imaginais que le temps ferait son oeuvre, que l'éclat de nos rencontres se ternirait, que le souvenir de ses trois dernières années rejoindrait un brouillard lointain, un "sfumato". (...) Les années fuyaient et il m'accompagnait. Les phrases, les souvenirs, les anecdotes remontaient, avec en arrière-fond, en son absence, les mêmes acteurs, les mêmes polémiques s'alimentant aux mêmes sources.(...) Il se complexifiait. Souvent il m'échappait.
Ce qui me fit entreprendre ce livre, c'est la lecture du "Rapport Gabriel" de Jean d'Ormesson. J'en suivis la glauque polémique sur le "lobby juif"; j'écoutais les explications de l'académicien; et surtout j'étais frappé par l'écho jouisseur, parisien, légèrement obscène, à l'annonce de cette révélation : "Mitterrand était antisémite, lui aussi"... Je ne me suis pas résolu à cette image d'un Mitterrand antisémite avoué - même si le terme "lobby juif" fait frémir.
On ne comprend rien à cette conversation sur le "lobby juif" si l'on ignore qu'il y eut à la fin du XXe siècle une guerre singulière. Celle de la MEMOIRE FRANCAISE : télescopage entre une Histoire idéale et une histoire réelle; entre la mémoire des témoins et l'Histoire des historiens; entre l'Histoire et la Justice."
Un sacré devoir de vacances...
A bientôt,
Bien cordialement,
René Claude |