Bonjour,
Dans son "Histoire de l'armée française de 1914 à nos jours" (Tempus-Perrin, 2002) - bien utile pour le néophyte que je suis en matière d'histoire militaire - Philippe Masson résume les différentes lectures du "Haltbefehl".
Après nous avoir rappelé que l'ordre d'arrêt des Panzer de Guderian daté du 24 mai avait suscité "les protestations véhémentes de von Brautschich et de Halder" et qu'il "reste à l'origine d'interminables controverses depuis plus d'un demi-siècle", l'historien énumère les différentes interprétations du "Haltbefehl" :
"En donnant cet ordre, Hitler n'aurait fait que confirmer une directive de von Rundstedt destinée à reposer les unités blindées, éprouvées par une progression ininterrompue de près de quinze jours.
Il aurait ensuite voulu éviter d'engager ses chars dans les traquenards de la région marécageuse des Flandres, d'autant plus que les Alliés procédaient à l'inondation des accès du "camp retranché" de Dunkerque. Quant à von Rundstedt, il tenait à regrouper les Panzer au sud dans la perspective d'une contre-attaque alliée et surtout de l'ultime offensive sur la Somme et l'Aisne destinée à éliminer totalement la résistance des armées françaises."
Ensuite, Philippe MASSON présente d'autres versions qui divisent les connaisseurs :
"D'après une autre version, Hitler aurait voulu accorder une faveur à la Luftwaffe, sur les instances de Gœring, en lui donnant mission d'interdire tout rembarquement et d'achever la déconfiture des armées alliées."
Et encore :
"(...)Hitler souhaitait épargner une humiliation à la Grande-Bretagne et l'inciter à conclure une paix de compromis après la chute de la France.
Et la dernière (?) lecture du "Haltbefehl" présentée par Masson :
"En arrêtant les Panzer, le Führer souhaitait accorder un délai de réflexion à Londres et à Paris. En suspendant immédiatement les opérations et en entamant des négociations, Anglais et Français bénéfécieraient de conditios de paix particulièrement avantageuses."
Et l'historien d'ajouter :
"Le "Haltbefehl" sera rapporté dès le 26 mai. Le délai accordé aux Alliés aura cependant permis de renforcer les défenses de Dunkerque et de freiner considérablement la marche des Panzer." (p.232)
On peut se demander si le souvenir de la bataille de la Marne en 1914 n'a pas été aussi chez Hitler une inquiétude supplémentaire qui le fit arrêter les Panzer. On se souvient que les chefs d'unités de l'armée allemande en campagne ont par tradition une tendance à ne pas toujours obéir strictement aux ordres reçus et à se lancer dans des opérations audacieuses mais personnelles sans en référer au Quartier Général.
Là-dessus, l'opportunité d'une "ouverture" diplomatique l'ayant peut-être effleuré, il envoie un signal aux Alliés avec cet arrêt "miraculeux".
Je me demande si des raisons pragmatiques, tactiques et politico-diplomatiques n'ont pas convergé au même moment dans l'esprit d'Hilter et pourraient expliquer cet arrêt, sans obligatoirement s'exclure entre elles...
Bien cordialement,
René Claude |