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-1Leclerc sur France 2 de René CLAUDE

Leclerc, un rêve d'Indochine : mise au point de Contributeur sans E-mail valide le jeudi 04 septembre 2003 à 10h32

"LECLERC, UN RÊVE D'INDOCHINE" : Une mise au point.

Malgré des qualités indéniables (intérêt soutenu, qualité d’image, jeux des acteurs, mélange habile et bienvenu entre fiction et réalité, nombreuses analyses politiques et historiques sur les données du problème indochinois en 1945 - 1946), Le film ‘Leclerc, un rêve d’Indochine’, diffusé sur France 2 le lundi 14 juillet 2003 pose un réel problème de vérité historique.

Ce problème concerne l’attitude et le rôle respectif des deux personnages principaux de l’époque : LECLERC et d’ARGENLIEU. Leur opposition, sinon leur affrontement sert de trame à cette fiction historique.

Le film met en avant un général Leclerc chaleureux, combattant, idéaliste et prophète : une vision intéressante, souvent juste, parfois exagérée, mais qui devient contraire à la réalité lorsqu'elle se forge en contrepied de l'image d'un amiral d'Argenlieu représentant de l'Etat imbu de son autorité, cherchant à rétablir le système colonial antérieur, refusant toute discussion ou négociation et sabotant toute forme d'accord... Ce personnage de Machiavel correspond-il à la réalité , ou n'est-ce que le résultat de contre-vérités ou de demi-vérités qui brouillent la réalité... ? Qu'en est-il exactement, sans insister ici sur le rôle du général Leclerc, ‘Génésuper’, général commandant supérieur des troupes en Indochine, nommé en aout 1945 par le général de Gaulle, sous l’autorité de l’Amiral d’Argenlieu, Haut-commissaire, représentant la France dans la péninsule.

Reprenons les principaux arguments concernant l'Amiral :

· GEORGES D'ARGENLIEU UN COLONIALISTE SIMPLISTE ?

les objectifs donnés par lui (au dire du film) à Leclerc semblent limpides : « libérer la France des communistes… C’est tout simple… la reconquête de son Empire colonial » le film fait encore dire à l’Amiral : « Nous rentrons chez nous voilà tout. » :

. Est-ce vraiment aussi simple ? non, bien au contraire :
« Dans l’ordre d’intention, je vois l’essentiel de ma mission politique et militaire. Politiquement. Rétablir la souveraineté française en Indochine, comme prescrit, ne peut être envisagé que dans l’esprit libéral du gouvernement provisoire et sous les espèces de la déclaration du 24 mars rédigée et parafée par lui.
Une réelle et franche émancipation est prévue et doit être octroyée sans atermoiements aux cinq Etats membres de la Fédération (Indochinoise)… »
(Voir Chronique d’Indochine p.51 : 'les bases de mon action -commentaire de la déclaration du 24 mars’)

le Haut commissaire a saisi l’extrême complexité de la situation et c’est même lui qui doit freiner les ardeurs de Leclerc dans la première période

Jean Lacouture lui-même -pourtant très favorable à Leclerc- reconnaissait lors de la parution de son ‘De Gaulle’ qu’il avait mal évalué les positions respectives de l’un et de l’autre. C’est dans un deuxième temps seulement, suivant l’avis de l’amiral, que le général Leclerc en viendra à l’importance d’une solution négociée.

L’injonction prêtée à l’amiral d’Argenlieu lors de son premier voyage à Paris, en février 1946 : « achevez la conquête au canon » apparaît incongrue ici – Si une tonalité de fermeté apparaît bien – et sous d'autres termes -, c’est à la fin de l'année 1946, en novembre – décembre, c’est à dire après des mois d'impossibles applications des accords (signés en mars). Et même plus tard, alors que le gouvernement d’Ho Chi Minh s’est engagé dans une lutte ouverte contre la France, et qu’il n’est plus question de traiter avec son gouvernement, l’amiral refuse la solution militaire : « Avec une telle conception, nous serions inévitablement entraînés à cette reconquête militaire que nous voulons éviter parce que la métropole ne peut en faire les frais, parce que l’opinion internationale la condamnerait et parce que finalement elle ne réglerait rien. Nous sommes bien convaincus qu’il n’est pas possible, en 1947, de rétablir le régime colonial de 1939… » (mémorandum : ‘Tournant politique en Indochine’ adressé le 14 janvier 1947 au gouvernement de Léon Blum)

· LECLERC L'HOMME DE LA NEGOCIATION AVEC HÔ CHI MINH, D'ARGENLIEU NE VOULANT RIEN ENTENDRE ET PARLANT DE ‘CAPITULATION’ ?

Cette fois la contre vérité est flagrante : Dès décembre 1945 l’amiral souhaitait une rencontre : « Rencontrer Ho chi minh ? Il me reste personnellement pour éclairer ma lanterne à surmonter les obstacles et à rencontrer Ho Chi Minh. Cela fait, à rendre compte nettement de la situation au Président de Gaulle. » - ( En définitive la rencontre ne pourra avoir lieu du fait de l’opposition des chinois…)
Pendant un temps il est vrai, l'amiral espère une autre solution. Il évoquera le prince Vinh Sahn de la famille impériale Annamite. Il se rallie ensuite à l'idée de négocier avec Ho Chi Minh, et donne des instructions dans ce sens en février 46.

"1. Le facteur chinois continue de peser lourdement sur le réglement du différend ente Français et Annamites du Viet-minh. ... La personnalité d'Hô Chi Minh n'est pas en faveur (aux yeux de l'autorité chinoise)...

2. Cette personnalité (Ho Chi Minh) malgré les difficultés et travers, s'affirme de plus en plus comme la personnalité politique qualifiée et solide auprès des masses annamites et des dissidents du Vietminh. Sans le facteur chinois, nulle place à hésitation, c'est avec elle qu'il faudrait traiter en vue d'aboutir à un agrément.

3. Ma conclusion est qu'il faut marcher en ce sens. Veuillez trouver ci-joint deux documents. Le premier sous forme de mémorandum précise jusqu'à quel point vous pouvez aller dans la recherche d'un accord de base avec Ho Chi Minh." (Décisions politiques. Saïgon 12 février 1946 - Message au commissaire de la république du Tonkin - Nord Annam) cité p. 146 Chronique d'Indochine)

. L'INDEPENDANCE OU NON, UN LECLERS PARTISAN DE L'ACCORDER CONTRE UN D'ARGENLIEU BORNE DANS SES REFUS ?

Le film évoque ainsi un message du général Leclerc insistant sur « le mot indépendance derrière lequel le Vietminh accepte ce que nous proposons sous le mot ‘autonomie’ » Or dès le mois de décembre 1945, l'amiral d'Argenlieu s'interrogeait : "Comme prévu, la pierre d'achoppement reste le Oui ou le Non de la France quand à l'Indépendance. Elle serait disposée à reconnaître une certaine indépendance de fait, non à y consentir globalement comme un tout...
(Chronique, p. 99)
Un long mémoire, envoyé le 28 décembre 1945 au général de Gaulle faisant le point de la situation, contient la 'formule nouvelle' : " Je disais récemment à un Annamite de vieille race, trés évolué et trés épris de neuf : "Ne sauriez-vous trouver en votre vieille langue le mot exprimant ce que vous désirez réellement ? Voyez le terme Anglais : Self Government. Intraduisible en français, il a fait son chemin, il a sa place dans la langue diplomatique." (suit une liste d'expressions "complexes verbalement - mais intelligibles, telles : Indépendance au sein de la Fédération Indochinoise, Indépendance au sein de l'Union Française... " )
La reflexion s'achève sur cette double remarque :
"L'objection de plusieurs -et non des moindres - est que, le mot indépendance laché, nos partenaires en abuseront, feignant d'ignorer les limites explicitement marquées.
A quoi l'on peut contre-objecter : prenez garde qu'en ébauchant le geste tardivement, il ne semble point fait de gré et que vous en perdiez le bénéfice."

Sens de la nuance, volonté d'associer les intérêts de la France et 'le mouvement planétaire des peuples vers l'indépendance' (Chronique p. 249) On est loin de l'accusation simpliste...

· QUI A NEGOCIE ET SIGNE LES ACCORDS DE 6 MARS AVEC HO CHI MINH ? LECLERC ? (comme l'indique trés explicitement le film) ?

Il y a là une contre vérité absolue.

Les accords qui reconnaissent le Viet-nam comme un état libre de la fédération indochinoise dans l’Union française, ont été négocié par Jean Sainteny sur instructions du Haut-commissaire qui laisse des directives trés précises lors de son départ pour Paris en février 1946 (du fait du départ du général de Gaulle et du changement de gouvernement).
Ces directives sont claires. En particulier en ce qui concerne le mot indépendance :
" L'emploi du mot indépendance a été réservé, non pas que la France y répugne absolument mais elle pense que le problème du choix du vocable se trouvera facilité par l'exposé substanciel ci-dessus. "être maître chez soi, être libre ne prête à aucune équivoque : Doc lap, self governement, disent bien ce qu'ils veulent dire. Ces mots ne peuvent trouver d'équivalents exacts en langue française." (directives et décisions du 12 février 1946, cités page 147, Chronique).
Le chapitre VI 'Les accords du 6 mars' publie tous les télégrammes reçus et envoyés, (télégrammes disponibles aux Archives Nationales) démontrant le rôle éminent tenu par d’Argenlieu qui, même s’il est à Paris, suit pas à pas la négociation mené par son représentant à Hanoï, Jean Sainteny.
Les accords du 6 Mars sont vraiment l’’œuvre conjointe de Sainteny et du haut-commissaire d’Argenlieu. ‘Vraiment bonne impression’ dit la Chronique de l’Amiral, Haut-commissaire. S'il y a effectivement une explication très franche avec le général Leclerc, c’est à propos d’un accord annexe secret, signé au dernier moment par Sainteny (sous la pression de Leclerc qui tient avant tout à débarquer ses troupes au nord...), accord qui engage militairement la France bien au delà de ce qui était prévu -en 5 ans l’armée francaise serait reparti…- et d’une promesse de voyage à Paris pour Hô chi minh qui modifie les relations internes en Indochine… C’est sur ces 2 points -et seulement sur ces 2 points - que le haut-commissaire parle effectivement d’un ‘petit munich’, même s’il couvre ses subordonnés (Au contraire du film qui laisse clairement entendre que l'expression concerne l'ensemble des accords)...
"Cet accord, [l'accord annexe] arrivé le dernier, je le juge lourd de servitudes militaires pour la France au profit du jeune ‘Etat libre’. Mais il est contresigné. Nous sommes devant le fait accompli. Comment en sommes-nous arrivé là ?"
(Chronique p. 191)
Au gouvernement qui ratifie les accords, il fait part de ses impressions générales :
"L'accord du 6 mars n'est qu'une étape. Il marque un progrès incontestable dans la voie d'une entente pacifique, concue dans un esprit dont le libéralisme ne peut être mis en doute. Mais cet accord qui nous permet de sauvegarder les interets majeurs de la France laisse encore devant lui des difficultés considérables..."
(message 442F du 12 mars 46 H. Com. Saïgon à Présidence Paris cité p. 207)

· COLLUSION ENTRE HAUT COMMISSAIRE ET MILIEUX COLONIAUX ?
(une collusion avérée dans le film... ici encore les choses sont beaucoup moins simples qu’on voudrait nous faire croire ! )

A preuve ces textes et messages qui insistent au contraire sur la difficulté à travailler ‘sous des espèces neuves’ avec des administrateurs ou milieux coloniaux habitués à l’ancien système de domination… Il mentionnera même cet état d’esprit pour expliquer -parmi d’autres- les causes de l’impasse finale qui rendent l’entente si difficile … Or ce n’est pas l’ancien système qu’est venu rétablir le haut-commissaire -c’est bien pourquoi il a insisté sur son refus de reprendre l’ancien titre de ‘gouverneur’- mais bien la mise sur pied de gouvernements libres et représentatifs des populations autochtones, prélude à ce grand mouvement des peuples vers l’indépendance…

·L'AMIRAL AU CHAPELET ?

Achevons simplement par ces passages - grotesques disons le mot- ou l’amiral haut-commissaire d’Argenlieu célèbre la messe devant une large assemblée, ou encore manipule son chapelet en grand uniforme pendant des entretiens liés à sa mission : NON !
Insistons au contraire sur sa vigilance permanente à bien dissocier ses deux fonctions. La politique, diplomatique et militaire pour laquelle il EST en Indochine, et la religieuse -si importante pour lui certes - mais pour laquelle il a demandé autorisation à être non pas relevé mais en partie dégagé pour la mission que lui a confié, pour la France, le général de Gaulle. S’il célèbre effectivement sa messe quotidienne -il reste prêtre et religieux- il le fait en privé et non dans une confusion des genres qu’il n’aurait jamais supporté…

· Mince ou gros, peu importe : CONCLURE... Passons enfin sur la dissemblance physique totale -même si le talent de Robert Planchon est incontestable - entre l’acteur et le personnage qu’il incarne. Cela n’est que l’écume dirait notre oncle marin.

REVENONS A L'ESSENTIEL :
- Que des divergences politiques soient apparues entre les deux hommes, cela est clair, même si UN SEUL avait mission d’en décider, comme l’a rappelé le général de Gaulle lui même :
."Amiral, je veux que vous soyez commandant en chef et vous rédige vos instructions.
. J'objecte : Mon général, le mandat de Haut-commissaire est à lui seul déjà bien lourd.
. Peu importe. Je tiens à prévenir tout conflit d'autorité en rassemblant tous les pouvoirs en la personne du haut-commissaire."
(Entretien avec de Gaulle cité dans la Chronique p. 29 'la mission, les pouvoirs')
- Que Le général Leclerc ait souhaité faire davantage de concession pour s’imposer ensuite, c’est exact, pour aller vers plus de liberté aux annamites c’est possible…
- Que les deux caractères si différents se soient heurtés et parfois vivement, cela est encore dans la vérité…:
. "Qui est Hô Chi Minh ? Il importe avant tout de ne pas oublier que c’est un grand ennemi de la France, [dont] le but poursuivi par lui-même et son parti, il y a six mois, était notre mise à la porte pure et simple. L’échéance est reportée, mais l’idée demeure. Nous avons en main tous les documents …qui peuvent en faire foi... D’ailleurs, la prolongation de la guerre civile et les assassinats constants d’Annamites pro-français, tout ceci voulu et ORDONNE par lui, en est une preuve évidente.
Jestime dans ces conditions qu’il serait très dangereux que les représentants français à ces négociations se laissent prendre par la sympathie et les artifices de langages (démocratie, résistance, France nouvelle) que Hô Chi Minh et son équipe savent utiliser et manient à la perfection..
Le cadre fixé par la France est parfaitement net et bien dfini : fédération indochinoise dans le cadre de l’Union Française ; il est nécessaire que nos représentants s’y maintiennent (…)
(Lettre du 8 juin 1946 cité par Georgette Elgey ‘la république des illusions’ (Fayard) et par J. de Folin 'Indochine 1940-1955 la fin d'un rêve'- Perrin 1993)

S’agit-il du Haut-commissaire d'Argenlieu ? Non : cette lettre est adressé par le général -il n'est pas encore maréchal- Leclerc à Maurice Schumann, et à transmettre au président du conseil Georges Bidault, le 8 juin 1946, avant même la conférence de Fontainebleau. N'est-il pas trés éclairant, de voir que l'extrême et croissante méfiance vis à vis de Hô Chi Minh, aprés la signature des accords du 6 mars, est celle de Leclerc autant que d'Argenlieu, qui sont bien en phase sur l'essentiel.

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