Devant Hitler, une cécité indéracinable et un blocage éternel ? - Site personnel de F. Delpla, Historien 1939-45 - forum "Livres de guerre"
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Site personnel de F. Delpla, Historien 1939-45 / François Delpla

 

Devant Hitler, une cécité indéracinable et un blocage éternel ? de françois delpla le vendredi 22 mai 2015 à 08h43






Lettre d’information n° 110 du site de François Delpla




POUR CONSTATER ET POUR ECRIRE QU’UN DICTATEUR DICTAIT, il ne semble pas qu’il faille une dose particulière d’intelligence ou de courage. Pourtant, dans le cas de Hitler, cela peut encore, en 2015, valoir à qui s’y risque, fût-il normalien, docteur et habilité, des montagnes d’incompréhension, de rumeurs caricaturales, de prises de distances apitoyées ou courroucées, d’ostracisme dans les médias, de marginalisation dans les génériques, de non-invitations dans les colloques et d’omissions dans les bibliographies.

Témoin de ce blocage, le statut, au plan mondial, de la biographie monumentale du Führer par Ian Kershaw (1999-2001). Cette synthèse des connaissances disponibles et de l’état des questions à la fin du XXème siècle, généralement sûre et souvent exhaustive sur l’essentiel, joue hélas trop souvent le rôle d’une statue du Commandeur, d’un dogme permettant de tracer la frontière de l’hérésie et d’opposer aux découvertes une farouche résistance.

ET POURTANT, ELLE TOURNE ! Qui donc ? La recherche. Et les apports des livres et des études parus depuis 2002 vont tous dans le même sens. Ils aident à cerner le rôle moteur de Hitler dans les principales orientations de son régime et, sans nier le moins du monde l’importance des subalternes, leur assignent une place, comme de juste, subordonnée.

Voyez Johann Chapoutot qui, après une exploration pionnière des emprunts du nazisme à l’Antiquité gréco-romaine, éclaire avec finesse la diffusion de son idéologie dans le corps social par une myriade de spécialistes du droit, de la philosophie, de la médecine, du cinéma, etc. S’il passe rapidement sur le rôle du chef, il va bien devoir un jour tirer, de la cohérence même de l’ensemble qu’il dégage, la conclusion qui s’impose.

Voyez la révélation des Cahiers noirs de Heidegger , qui prend à contrepied ses nombreux thuriféraires français par la mise au jour, non seulement de l’antisémitisme foncier du philosophe, mais du caractère central de ce trait dans sa pensée. Qu’est-ce donc qui en avait rendu possible la dissimulation ? Le fait que de nombreux témoignages établissaient que depuis 1935 environ Heidegger persiflait les grands du régime devant ses étudiants. On ne s’était pas avisé qu’il épargnait le premier d’entre eux et prenait rang par là dans une cohorte de nazis mal dégrisés comme Otto Wagener, Leni Riefenstahl et bien d’autres. Tout se passe comme s’il estimait au bout du compte que le « surgissement de l’Estre », incarné par ce prophète, avait été mal secondé par des ministres mal choisis, faisant avorter une tentative prometteuse de résistance à l’« américanisation » (un synonyme, dans ces cahiers, de « domination juive mondiale »).

Voyez le texte d’inspiration nazie de l’amiral Darlan en juillet 1942 que Bernard Costagliola, après sa découverte quasi-clandestine par Hubert Delpont en 1998, a exploité dernièrement pour créer une petite révolution dans notre vision du dirigeant vichyssois. Qu’est-ce à dire, sinon que ce patriote dévoyé accordait encore beaucoup de crédit à l’idée hitlérienne d’une Europe tenant la dragée haute aux Etats-Unis comme à l’URSS ?

Voyez les recherches de l’association Yahad-In Unum sur la Shoah par balles et les autres massacres est-européens, contestées lors de leur première apparition par une polémique éphémère, qui tendent à faire la part entre une infinie diversité de situations locales (ce qui montre la marge d’initiative laissée aux exécutants et leur inventivité), et une impulsion permanente venue d’en haut… de tout en haut.

Voyez les crimes ou les bizarreries survenus au sommet de l’Etat nazi dont la genèse est obscure et dont, notamment depuis 1960, sous la férule longtemps hégémonique d’une école dite fonctionnaliste, on se refusait « scientifiquement » à attribuer l’initiative à Hitler, comme l’incendie du Reichstag, l’arrêt devant Dunkerque le vol de Rudolf Hess et les menées tortueuses de Canaris. On est loin encore d’un consensus, mais de livre en livre un Longerich, un Brayard, un Kershaw même sont de moins en moins enclins à laisser penser que quelque lieutenant ait mis un jour Hitler devant le fait accompli d’un acte important.

Voyez, dans la recherche sur le système concentrationnaire, les réflexions récentes sur la « zone grise » repérée par Primo Levi : le colloque tenu à Bruxelles en 2009 parle peu du dictateur mais beaucoup de la spécificité nazie, qui posait des problèmes moraux d’une autre nature que les situations antérieures et postérieures (cf. La Zone grise / entre accommodement et collaboration, Kimé, 2010).

Voyez Vincent Platini, sans doute l’historien qui a récemment le plus augmenté le champ des études sur le nazisme, en scrutant avec une érudition gourmande la culture populaire et surtout le roman policier . Lui aussi, sans beaucoup évoquer Hitler et en se concentrant plutôt sur Goebbels, met au jour une surveillance policière cohérente et intelligente, qui ne saurait être le seul fait du préposé à la propagande.

Voyez Jean-Louis Vullierme, un spécialiste de philosophie politique, qui présente une théorie générale du nazisme mettant l’accent sur sa logique d’ensemble et réhabilitant la notion d’« intention ». Il a le tort d’incriminer la civilisation occidentale et de voir dans le nazisme un « précipité » d’icelle, sans s’intéresser au catalyseur indispensable du chef. Mais il a l’immense et encore trop rare mérite de s’offrir à la critique de façon interactive, sur le site de son éditeur .

Last but not least, voyez Kershaw lui-même qui dans The End invente le concept, immédiatement classique, de « quadriumvirat » pour désigner les principaux chefs nazis de la dernière année de la guerre : Himmler, Bormann, Goebbels et Speer… tous plus familiers du Führer les uns que les autres, et coordonnés par qui sinon par lui ?

Philippe Burrin , qui dans les années 1980-90 avait été l’un des premiers historiens à réagir contre la marginalisation de Hitler dans son propre régime, écrivait dès 1989 : « Hitler suivait et guidait pas à pas la politique extérieure et la politique militaire. Malgré les trous de la documentation, il est démontrable que sa présence était d’autant plus active et sa direction plus exclusive que la question considérée se rapprochait du noyau de ses convictions. » (Hitler et les Juifs, Seuil, p. 15 ; une affirmation répétée en janvier 2003 dans un article de L’Histoire et en 2010 dans Le nazisme en questions, Paris, Fayard/Pluriel, p. 153.)

Il ne s’agit pas, du moins en ce qui me concerne, de négliger les élites allemandes ou les autres cadres nazis, encore moins de les excuser. Les échos que je reçois, directement ou non, de la réception de mon travail charrient pourtant souvent des incompréhensions de cet ordre, énoncées de manière générale et sans le moindre exemple. Or si le reproche avait le moindre fondement, on se ferait un devoir, par des extraits choisis, de me mettre, et de mettre aux lecteurs, le doigt dessus !

Le site détaille depuis quinze ans les facteurs de blocage aussi bien que les avancées. L’anniversaire de la victoire de 1945 a offert de nombreux exemples dans ces deux domaines. Celui du procès de Nuremberg va prendre le relais. Surtout, peut-être, la parution dès janvier 2016 des œuvres de Hitler, tombées dans le domaine public, avec, souhaitons-le, des traductions françaises meilleures que les précédentes (ce qui ne serait pas un exploit) et bénéficiant elles-mêmes des acquis de la recherche, va obliger tout un chacun à examiner de plus près le personnage…

… et à reconnaître UNE CONJONCTION RARE DE FOLIE ET DE TALENT.

Montigny, le 22 mai 2015



PS

La vidéo du salon du livre de Genève (voir lettre n° 109) sera disponible début juin ici :

Le remarquable film de Vanessa Lapa « Himmler the Decent One », sorti en salles en janvier, sera commercialisé en juin sous la forme d’un DVD. Interviewé pendant une heure pour le bonus, j’ai eu la surprise point trop désagréable de voir que le quart d’heure retenu élaguait l’accessoire pour se concentrer sur l’essentiel (trop absent du film) : le rapport de soumission du personnage à son chef.

BFM TV ne se contente pas de recourir aux services des historiens les jours de commémorations, il arrive qu’elle les immortalise . Pendant ces quelques minutes, j’ai eu l’occasion de camper Churchill en rival de Hitler et ce, pendant toute la guerre.

A partir des fables de Rezun-Souvorov sur l'intention de Staline d'attaquer l'Allemagne en 1941, un débat de forum de haute tenue est en cours : .


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