Tout se passe dans les cercles oppositionnels du PCF (typiquement UNIR-Débat). Le PCF, quant à lui, tient sous contrôle jusqu'en 1970 toute cette partie de son histoire dont il convient d'expurger les pourparlers pour la reparution de l'Huma et l'exil moscovite de Thorez.
Il y a donc des gens, les oppositionnels, souvent anciens FTP, qui veulent mettre en avant Tillon et des communistes dissidents avant l'heure, pour qui le patriotisme aurait pris le pas sur la discipline bolchevique.
On commence par citer des extraits du tract, c'est-à-dire qu'on en expurge les morceaux les plus lourds, les moins flatteurs.
Et puis on s'aperçoit que le vrai tract, on ne sait plus où il est, alors quelqu'un en fabrique un, peut-être pour une exposition ou quelque chose comme ça. Et du coup, pourquoi ne pas modifier favorablement la casse, corriger les fautes d'orthographe, remplacer "Ils ont tous trahi" par "Ils ont tout trahi"
Et puis on intitule ça Appel de Charles Tillon, puisque c'est Tillon qui l'a écrit. Et puis on met 17 juin, puisque Tillon a dit qu'il l'avait écrit le 17 juin. Et puis, on oublie la signature du parti communiste français.
Va savoir comment, ce tract se retrouve dans un carton versé au musée Jean Moulin.
Et là, on est bien obligé de mettre en cause une faute professionnelle ou une incompétence du personnel du musée qui ne détecte pas immédiatement ce qu'il y a de suspect dans cette pièce.
Sur la pente savonneuse du mensonge, on ne sait plus s'arrêter, on finit même par y croire, surtout quand on a 94 ans, ce qui est le cas de Tillon lorsqu'il publie "Les FTP, soldats sans uniforme".
Dommage pour lui, il n'est pas vraiment responsable de la bulle Tillon qui s'est gonflée dans les années 70-90. J'ai moi-même reproduit ce demi-faux dans mon petit livre de 97.
Tillon mérite le respect, mais comme pour tout témoin, il ne faut jamais le croire sur parole.
Emmanuel |