L’interview
L’auteur a eu l’amabilité de bien vouloir répondre à nos questions :

Daniel LAURENT : Votre vie professionnelle, qu’il s’agisse de vos travaux historiques et de vos interventions en tant qu’expert, est entièrement consacrée aux armes. D’où vous vient cette passion que certains, que je ne citerais pas, classifient comme étant « morbide » ?
Jean HUON : Lorsque j'avais six ans, un voisin de mes parents m'a offert une panoplie de cow-boy, à laquelle était joint un pistolet à amorces. Intéressé par ce drôle d'engin, j'ai d'abord joué avec comme tous les gamins de mon âge, puis j'ai cherché à en savoir plus.
A cette époque (nous sommes dans les années 1950), il n'existait alors aucune documentation, hormis la planche "Armes" du dictionnaire Larousse. Mais les échanges avec les copains passionnés par les mêmes sujets, la découverte de quelques vieux manuels d'instruction militaires, les questions posés à mon père (ancien combattant de 1939-1940), mes grands-pères et aux anciens de 1914-1918, m'on permit d'en savoir plus.
Puis ce fut la découverte du tir et de la chasse.
Avec le service militaire, j'avais enfin accès à "la cour des grands" avec de vraies armes de guerre.
A mon retour (nous sommes en 1967), la sortie de la revue Cibles est une révélation, je me lance alors dans la recherche à la fois historique et technique. Je fréquente assidûment le Musée de l'Armée et je rencontre un personnage d'exception : le colonel Wemaëre, conservateur qui m'aide dans mes recherches (accès aux réserves, photos) en contrepartie d'une contribution au classement des dites réserves.
Je propose ensuite aux Editions Crépin-Leblond un premier ouvrage sous la forme d'un fascicule regroupant des fiches techniques. Jugé à l'époque trop superficiel et d'un succès commercial incertain dans un domaine qui débute en France, il n'est pas publié, mais on m'offre les colonnes de la revue Cibles pour m'exprimer. Nous sommes en 1970 et ma collaboration avec la revue n'a jamais cessé depuis.
Entre 1975 et 1981, je publie chez le même éditeur, le premier volume d'une série de quatre qui constitue la première édition de mon encyclopédie : "Un siècle d'armement mondial".
Dès lors, je n'ai jamais cessé de me documenter, de courir les salons internationaux, les musées militaires, les fabricants d'armes et multiplié les contacts avec les meilleurs spécialistes internationaux.
A force de compilation, je suis arrivé à la tête d'une documentation considérable, avec des milliers de fiches techniques, des dizaines de milliers de photos, multipliant les ouvrages techniques et historiques sur le sujet (plus de 75 titres publiés à ce jour).
A partir de 2006, j'entreprends l'actualisation de ma précédente encyclopédie : réécriture complète, ajout de toutes les nouveautés apparues depuis plus de trente ans et celles des pays émergents.
On passe ainsi de 119 à 190 nations représentées.
Je ne cultive pas le côté "morbide" de l'armement, celui-ci fait partie de notre quotidien, mais j'estime qu'il est plus valorisant d'en connaître l'histoire, le fonctionnement et les sinistres effets que de se mettre la tête dans le sable et de dire "je ne veux pas savoir".

D.L. : La qualité matérielle de cet ouvrage justifie son prix (52 euro) : Papier glacé, couverture et reliure de haute qualité, 363 pages, une multitude de photos couleurs de haute définition pour ne citer que cela. Il s’agit du Tome 3 d’une série qui en comptera sept. Les Editions Grancher ne sont pas une association de bienfaisance, le succès commercial est-il là pour justifier cet investissement ?
J.H. : Le rôle des auteurs est d'écrire des livres.
Celui des éditeurs est de les imprimer, de les publier, de les faire connaître et de les diffuser.
A mon avis, il n'y a pas de sujet tabou. Si celui de l'armement est trop souvent boudé par la plupart des éditeurs français, ce n'est pas le cas en Grande-Bretagne, en Allemagne et surtout aux Etats-Unis où plusieurs centaines de titres concernant le même sujet sont publiés chaque année.
Je rends hommage aux Editions Grancher, qui n'ont pas eu peur d'aborder un domaine délaissé par la plupart de leurs confrères, ce qui leur permet de se placer au niveau des meilleurs éditeurs internationaux.

D.L. : La multitude de photos couleurs haute définition qui illustre le livre est l’un de ses aspects le plus impressionnant. Il semblerait que vous passez votre vie caméra au poing dans les musées et les armureries. Qu’en est-t-il en fait ?
J.H. : Il est exact que par intérêt scientifique et pour des besoins professionnels (expertises, publication d'articles d'actualité publiés dans les grandes revues d'armement en France, en Europe occidentale et aux Etats-Unis), je me déplace fréquemment pour visiter les salons internationaux d'armement, les fabricants, les musées militaires en Europe et en Amérique du Nord.
Nous sommes dans un domaine en perpétuelle évolution, il est indispensable d'aller chercher l'information à la source et dans les plus brefs délais.

D.L. : Vous avez en son temps coopéré avec Eugene Medlin. Il semblerait que vous ne le faites plus. Une raison particulière ?
J.H. : Gene Medlin est un ami de plus de trente ans.
C'est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, vétéran de la Bataille des Ardennes. Il est passionné par les armes françaises et nous avons publié ensemble un ouvrage sur les pistolets et les revolvers français, d'abord en 1993, puis dans une seconde édition en 2005 ; avec à chaque fois une version en anglais et une autre en français.
Son grand âge (88 ans) ne lui permet plus de voyager, mais nous sommes toujours en contact. Je l'ai revu il y a deux ans à El Paso au Texas où il réside. Nous avons pu nous retrouver dans une ambiance conviviale et j'ai pu une fois de plus constater que c'est encore un remarquable tireur. Il se déplace avec difficulté, mais il fait toujours mouche à tous les coups !

D.L. : Vous êtes Expert en Armes et Munitions près la Cour d'Appel de Versailles et la Cour de Cassation, et aussi Assesseur de la Commission de Conciliation et d'Expertise Douanière. Quel cheminement vous a amené à vous intéresser à cet aspect des choses ?
J.H. : Au début des années 1980, j'ai été incité par mon ami Christian Clanet, expert près la Cour d'Appel de Paris, à rejoindre la Compagnie des experts en armes et munitions, ce qui était une évolution logique de mes sujets d'intérêts.
D'abord membre associé, j'ai pu m'initier auprès de mes anciens, aux arcanes de la balistique et à ses applications dans le procès pénal.
Agréé par la Cour d'Appel de Versailles en 1986, puis par la Cour de Cassation en 2000, j'ai accompli à ce jour plus de 700 missions d'expertises au service de la justice.
Secrétaire général de la Compagnie Nationale des Experts en Armes et Munitions près les Cours d'Appel en 1987, j'assure la présidence de cette institution depuis 2007.

D.L. : Le dernier tome de cette encyclopédie sera publié en 2014. Vers quoi s’orienteront ensuite vos prochains travaux ?
J.H. : Le sujet auquel je me suis consacré est en perpétuelle évolution, si la partie rédactionnelle de mon encyclopédie est terminée, j'en assure toujours la mise à jour permanente. Ce qui signifie que je remets à mon éditeur un manuscrit actualisé en préalable à la publication de chaque tome.
Par ailleurs, de nombreux modèles d'armes nouvelles sont déjà sortis depuis la publication des précédents volumes.
Ceci fait qu'en 2015, je serai en mesure de proposer à mon éditeur un volume 8 qui comprendra tout ce que le monde de l'arme et de la munition a réalisé depuis 2011.
Par ailleurs, j'ai en préparation plusieurs ouvrages, dont un consacré aux mitrailleuses françaises Hotchkiss et Saint-Étienne et un autre concernant les mitrailleuses et canons d'avions.