Lettre d'information du site de l'historien François Delpla
n° 93
2 juin 2013
Chers abonnés,
Le 24 mai à 12h 30, alors que la seule ligne de défense organisée (celle de l'Aa) qui sépare les blindés allemands du groupe d’armées A, fonçant depuis Sedan, de leurs camarades du groupe d’armées B traversant la Belgique à pied par le nord, est en train de céder, donnant aux uns l'espoir et aux autres la crainte que le plus grand encerclement militaire de l'histoire soit bouclé dans la soirée ou le lendemain matin, Hitler douche brutalement les enthousiasmes allemands et rend une marge de manoeuvre à l'ennemi en restaurant lui-même la ligne de l'Aa, côté allemand. Les blindés, stoppés net, deviennent en effet, explique-t-il aux généraux Brauchitsch et Halder, "l'enclume" sur laquelle viendra taper, quand il pourra, le Hgr B brusquement rebaptisé "marteau".
Hitler se répand alors, auprès de divers généraux, en justifications d'ordre militaire : il voudrait économiser les blindés pour la suite, leur épargner un terrain gorgé d'eau, resserrer son dispositif par crainte d'une contre-attaque, épargner les villes flamandes, ne pas occuper trop de terrain au sol pour pouvoir multiplier les bombardements aériens... Göring, chef de l'aviation et fier d'en avoir fait une "arme nazie", s'étant mis en avant pour réclamer cette dernière solution, et Rundstedt, chef du Hgr A, s'étant porté volontaire pour sembler avoir réclamé une pause, Hitler (qui, surtout depuis 1929, avait pris l'habitude, pour cacher son jeu et la continuité de ses desseins, de se présenter comme tiraillé entre divers lieutenants) laissait dire qu'il avait été influencé soit par l'un, soit par l'autre, soit par les deux.
Parfaitement inaperçu des journalistes et historiens de la campagne jusqu'en 1946 (parce que les vainqueurs avaient intérêt à masquer, ou à ne pas voir, les heureux hasards ou les cadeaux de l'ennemi qui avaient favorisé leurs vaillants soldats; parce qu'inversement la propagande nazie insistait sur l'idée d'une irrésistible marche en avant), l'épisode n'a fait l'objet d'aucune étude historique digne de ce nom avant 1991.
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www.delpla.org/article.php3?id_article=560
Vous pouvez également replacer mon analyse dans l’ensemble des rapports entre Churchill et Hitler en acquérant pour quelques euros l’ouvrage éponyme, qui fut il y a un an mon mémoire principal d'habilitation et sort cette semaine chez Tempus. Voilà qui me vaut une nouvelle « visibilité »… avec, sur les sites commerciaux, une splendide faute d’orthographe dans mon nom, qui trahit la relativité du phénomène ! Cf.
. Un extrait du livre a été mis en ligne, concernant l’article de Churchill sur Hitler paru en 1935
.
Pour en finir avec la pochitude, je mets la dernière main à un toilettage du texte de ma biographie de Hitler (Grasset, 1999), toujours hélas unique dans notre kershawlâtre Hexagone, et à une préface substantiellement actualisante, à paraître fin août chez Grand West, la collection de poche de Pascal Galodé
.
Votre site favori sur mes travaux s’est enrichi d’un éditorial pour une fois muet sur eux et renouant avec les considérations d’actualité : le mésusage du pavé parisien par de maladroits clones m’a inspiré quelques considérations sur un remugle de mai 68 qui confirme Karl Marx tout en le démentant. L’événement se répète en farce sans avoir été pour autant, en sa première édition, excessivement tragique !
A part quelques nouvelles « perles contre l’histoire »
, vous pourrez aussi goûter en rubrique « invectives » quelques grognements relevés sur Wikipédia
, un article sur l’affaire Karski- Haenel précédemment paru chez Juan Asensio
, un « couac » dans l’unanimité des louanges sur Daniel Cordier
assorti d’une actualisation de la chronologie des calomnies contre le couple Aubrac
, et de mes contributions à ce sujet parues dans l’Humanité
, l’interview de 1998 intitulée « La calomnie pour effacer la mémoire » et le texte écrit au moment de la mort de Lucie, « Une force qui ne plie pas ».
Last but not least, j’ai chroniqué en rubrique « Lu » l’un des ouvrages les plus novateurs parus depuis longtemps sur la Seconde Guerre mondiale, Pourquoi les Alliés ont gagné la guerre, de Paul Kennedy.
Puissent toutes ces lectures ne point vous détourner d’apprécier, du moins en France, l’un des premiers dimanches ensoleillés de l’année !
fdelpla
PS.- Si le message s’affiche mal :
?id_article=588 .
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J'oubliais de vous signaler la parution, ce jour, d'un beau dossier sur les crimes de guerre dont j'ai eu l'honneur de rédiger (p. 59) la conclusion lucidement pacifiste :