Des médecins sur le front de l'Est - La Suisse et la guerre 1933 - 1945 - forum "Livres de guerre"
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La Suisse et la guerre 1933 - 1945 / Werner Rings

 

Des médecins sur le front de l'Est de Christian Favre le mardi 12 avril 2011 à 09h47

Cette mission humanitaire au profit de l'Allemagne était un geste politique pour le moins douteux. Le général Guisan s'y est toutefois opposé. L'initiative revint au Dr Bircher, colonel, manifestement pro Allemand et même pro nazi. Cependant le côté positif fût de montrer clairement l'horreur nazie.

Le récit de ces missions est aussi dans l'Histoire de la neutralité par Edgar Bonjour Vol IV p. 437


Des médecins sur la front de l’Est

Il n’est pas possible de déterminer exactement les divers résultats de cette entreprise. Des recherches relevant de la psychologie des masses n'ont pas été faites. Cette campagne pacifique a probablement préparé une décision capitale pour l'esprit de résistance en Suisse, mais c'était une décision que chaque individu devait prendre pour lui-même et qui, avec la somme des autres, engendrait une opinion publique ayant son poids politique.
Cela explique aussi la méthode employée: présenter les problèmes à l'individu, lui expliquer de quoi il s'agit, ce qui est en jeu.
Ce sont probablement surtout les hésitants, les douteurs qui furent amenés à prendre une décision, peut-être celle de tenir bon.
A vrai dire, de fortes impulsions pour le rétablissement du moral vinrent aussi d'ailleurs.
Nous pensons en particulier à cette mobilisation volontaire et enthousiaste en faveur du plan Wahlen dont il sera question dans un autre chapitre, à ce demi-million de civils qui transformèrent des parcs, des pelouses publiques et des terrains incultes en plantureux champs de pomme de terre et de céréales. Des succès bien visibles renforçaient la confiance en soi.
Une révélation eut également beaucoup d'effet. Des principes élémentaires touchant l'humanité et la dignité humaine par exemple celui du respect des êtres sans défense - étaient alors violés avec une cruauté inimaginable. Et des notions de civilisation (des notions qui, dans ce dernier tiers du XXe siècle, ont cessé d'être considérées comme intangibles) n'étaient pas davantage respectées.
D'abord des rumeurs, ensuite des nouvelles que personne ne voulait croire, enfin les récits de témoins oculaires dignes de foi obligèrent chacun à faire un examen de conscience. Il fallait là aussi se décider, en dehors de toute considération politique ou idéologique.
Les membres d'une mission médicale suisse revenus du front de l'Est au début de 1942 furent parmi les premiers à avoir quelque chose à raconter à ce sujet.
Mais nous devons dire d'abord deux mots de ce qui s'était passé auparavant. Les 37 médecins et les 30 infirmières de cette mission avaient été envoyés à Smolensk en octobre 1941 pour y travailler dans un centre de ravitaillement pour 40 à 50 divisions. II y avait là douze lazarets pour 14000 blessés. On y avait un urgent besoin de médecins.
L'envoi de cette mission n'avait cependant pas été décidé en première ligne pour des raisons humanitaires. Les promoteurs avaient surtout l'intention de prêter leur concours à l'Allemagne dans sa lutte contre le bolchevisme, de détendre enfin de cette manière les relations entre le Troisième Reich et la Suisse. L'idée était venue du ministre de Suisse à Berlin, de frontistes réfugiés en Allemagne et, en Suisse même, de citoyens germanophiles. Ils l'avaient lancée et défendue avec vigueur. Le Général avait déconseillé l'envoi d'une mission. Le Conseil fédéral n'avait pas voulu s'engager.
Finalement, un comité privé entreprit, sous le patronage de la Croix-Rouge, d'organiser la mission médicale et d'en couvrir les frais au moyen de contributions bénévoles. La direction en fut confiée au colonel divisionnaire Bir¬cher, un homme politique passionné, à la fois officier, publiciste et chirurgien, un admirateur de l'Allemagne et d'Adolf Hitler.
Outre les volontaires qui ne se doutaient de rien, cette première mission comprenait le chef du service de la transfusion sanguine de l'armée suisse, le médecin Rudolf Bucher. Il connaissait les motifs politiques mais les désapprouvait carrément.
Le Général et le médecin en chef de l'armée désiraient qu'il éprouve, dans les conditions de la guerre sur le front de l'Est, une méthode de conservation du sang, mise au point en Suisse, ainsi qu'un appareil de transfusion qu'il avait construit lui-même. Il accepta. Sa participation à la mission était dans l'intérêt de l'armée suisse.
Le Dr Bucher était accompagné de son laborantin, Anton Weber.
L'un et l'autre tenaient un journal.

A Smolensk

96 amputations en 40 heures, nota le Dr Bucher, l'un des premiers jours.
I1 constata ensuite que le service de santé de l'armée allemande lui interdisait, comme aux autres membres de la mission suisse, de s'occuper des blessés russes, civils ou militaires.
Pendant le voyage jusqu'à Smolensk, le 23 octobre 1941, Anton Weber avait noté dans son journal: «Un jeune homme nous dit qu'on a de nouveau mis à mort hier 3000 juifs et autres personnes, que les juifs doivent être détruits. Le jeune homme a 17 ans.»
A Smolensk, le 7 novembre: «Des femmes et des enfants sont mis à mort. Des pièges à chars destinés à servir de fosses sont déblayés. Chaque nouvelle victime prenait la place de celui qui venait d'être abattu. Un dernier homme recouvrit ensuite la fosse.»
Carnet de Weber le ler décembre: «Chaque matin, à l'aube, exécution de partisans, exécution d'habitants juifs». Le Dr Bucher était présent lorsque 62 otages, hommes et femmes, avec des enfants dans les bras, furent exécutés à proximité de son lazaret.
Carnet du Dr Bucher: «Ils se tinrent d'abord debout, puis s'agenouillèrent l'un à côté de l'autre au bord de la fosse peu profonde, longue de 50 mètres et large de 2 mètres. Quelques-uns pleuraient, d'autres priaient. Trois soldats commencèrent à les exécuter à la file, d'un coup de feu dans la nuque. Les victimes tombaient en avant dans la fosse.»
Le Dr Bucher ne vit pas la fin de l'exécution. Le spectacle étant trop affreux pour lui, il s'évanouit après la quatrième exécution.
Des indications portées séparément par le Dr Bucher et son laborantin dans leurs carnets renseignent sur un incident qui se produisit dans leur propre lazaret: Avec un médecin d'état-major de l'armée allemande, nommé Lund, le Dr Bucher observait le comportement d'un sous-officier allemand et nota à ce sujet: «La cour avait la forme d'un fer à cheval, était donc ouverte d'un côté. Nous vîmes un sergent-major allemand qui faisait tourner en cercle, dans la neige, quelques prisonniers de guerre russes, nus, et leur administrait un coup dans le dos avec un long fouet de chien chaque fois qu'ils passaient devant lui». Weber observait la même scène d'une autre fenêtre. I1 remarqua que le froid était très vif, peut-être 35 degrés.
Carnet du Dr Bucher: «Weber entra brusquement dans la cour. Le sous-officier allemand pensa sûrement que le spectacle plaisait à Weber et lui tendit le fouet pour qu'il puisse frapper à sa place. Weber saisit alors le fouet sans que le sous-officier ait, semble-t-il, remarqué son excitation et lui appliqua deux coups à la tête, un de chaque côté, puis s'en alla.» Le sous-officier s'éloigna aussi. Les Russes restaient sur place. Le Dr Bucher pensa immédiatement aux graves conséquences que ces coups de fouet auraient pour Weber. La mission médicale suisse et le personnel qui lui était attaché étaient soumis au droit pénal militaire, à ses dispositions applicables en temps de guerre. Weber risquait la peine de mort.
Or rien ne se passa. Le médecin d'état-major allemand, un homme sans reproche, s'abstint de faire rapport. L'un des derniers jours passés à Smolensk, le 15 janvier 1942, Weber inscrivait de nouveau dans son journal: «Nous sommes spectateurs de l'exécution de partisans, avec femmes et enfants. »
Lorsque le Dr Bucher et Weber revinrent en Suisse avec la mission médicale, le 28 janvier 1942, les rédactions de journaux suisses étaient déjà soumises expressément à la censure préventive pour toutes les informations données par les médecins suisses et leurs collaborateurs.
Peu après, suivit l'interdiction générale de publier des informations. Pas un mot sur Smolensk.
La tolérance observée à l'égard de gens qui révèlent la vérité
En mai 1942, le Dr Bucher présenta lors de l'assemblée générale de la société des médecins suisses un rapport sur ses expériences professionnelles et les spectacles pénibles qu'il avait eus sous les yeux à Smolensk et dans les environs.
Il fit ensuite des conférences publiques, pensant que le peuple avait le droit de savoir comment le voisin du nord se comportait dans les régions occupées à l'Est.
Il parla une centaine de fois, devant des unités de l'armée et des sections de la société des samaritains, dans des milieux appartenant à diverses tendances politiques. II eut 150000 auditeurs. Il faisait part de ses observations et constatations médicales rapportées du front de l'Est, décrivant aussi l'exécution d'otages à Smolensk. Des vues rapportées par un confrère étaient projetées sur l'écran.

La presse devait se taire.
Une conférence publique faite par le Dr Bucher à la maison du peuple de Zurich en décembre 1943 incita le gouvernement du Reich à intervenir diplomatiquement.
Le ministre d'Allemagne à Berne demanda au Conseil fédéral d'ouvrir une poursuite pénale contre le Dr Bucher. Le consulat général à Zurich présenta une demande semblable à la direction de police du canton, rappelant que les membres de la mission médicale étaient tenus d'observer la discrétion la plus rigoureuse. Ils avaient effectivement cette obligation.
Elle était prévue dans un arrangement conclu par écrit entre le président du comité suisse des œuvres de secours et le haut commandement allemand.
Mais les membres de la mission ignoraient cet arrangement.
Ils savaient toutefois que, suivant le règlement de la mission, l'autorisation du comité des œuvres de secours était nécessaire pour les conférences et les publications.
Parce que Bucher, comme officier, avait enfreint ce règlement, il fut déféré à un tribunal de division. Mais la poursuite aboutit à un non-lieu.
Le Conseil fédéral intervint à son tour. Il examina la question de savoir si le Dr Bucher ne devrait pas être exclu de l'armée. Il se contenta cependant de prononcer une interdiction générale des conférences et des informations. Il était désormais rigoureusement interdit de faire part d'expériences personnelles vécues sur les fronts.
Le Dr Bucher continua d'informer le public.
preuves à l'appui.

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