Un prêtre livre 52.000 Juifs aux nazis - Silences meurtriers - Survivre - Tous coupables ? - forum "Livres de guerre"
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Silences meurtriers - Survivre - Tous coupables ? / Marc-André Charguéraud

 

Un prêtre livre 52.000 Juifs aux nazis de Francis Deleu le dimanche 07 novembre 2010 à 14h04

L’article mensuel que Marc-André Charguéraud nous confie s’attache à rappeler les funestes décisions de Mgr Tiso, président de la Slovaquie.
L’article fait partie d’une série qui a pour titre : La Shoah revisitée – Préjugés, vérités toutes faites, idées reçues, non-dits

**********
Un prêtre livre 52.000 Juifs aux nazis.

En trois mois le président de la Slovaquie Mgr. Tiso envoie 60% des Juifs du pays à la mort en Allemagne
De mars à juin 1942, la Slovaquie a livré aux Allemands 60% des Juifs qui vivent sur son territoire, soit 52.000 sur 87.000. [1 ]« Le premier pays après le Reich à déporter des Juifs » vers les camps de la mort en Pologne. [2] Si nombreux, si tôt, pendant les premières semaines de la Shoah, si rapidement, en trois mois, un triple record qui condamne les dirigeants politiques du pays et au premier rang son président, un prêtre catholique, Mgr. Josef Tiso.

Les témoins ne se font aucune illusion sur le sort de ces Juifs. Mgr. Guiseppe Burzio, le chargé d’affaires du Vatican à Bratislava, télégraphie à Rome le 9 mars 1942, le Premier Ministre Vojtekh Tuka lui a confirmé que « la déportation de 80.000 personnes en Pologne à la merci des Allemands équivaut à en condamner une grande partie à une mort certaine ». [3] Simultanément Mgr. Angelo Rotta, nonce à Budapest, écrit à Pie XII : (les déportés) sont promis « à une destruction certaine et à la mort. Ils placent leurs espoirs et leur confiance dans sa Sainteté. » [4] Peu après le début des déportations, le Vatican réagit. Il ne s’engage pas et se contente d’envoyer deux notes d’une portée limitée à Tuka. Rome y explique que c’est une erreur de croire que l’on envoie les Juifs dans le gouvernement central pour le service du travail : ils y sont exterminés. [5]

Le gouvernement slovaque ne peut pas plaider l’ignorance. Les Allemands lui demandent 20.000 travailleurs robustes, il propose 20.000 Juifs et insiste pour que les familles les accompagnent. Des ouvriers, les enfants et vieillards qui partent ? Les autorités slovaques veulent être assurées que ces Juifs ne reviendront jamais en Slovaquie. Pour obtenir l’accord des Allemands, elles vont leurs verser 500 Reichsmark par Juif déporté. [6] C’est l’unique fois en Europe qu’un pays paie les nazis pour qu’ils le débarrassent de façon définitive de ses Juifs.

La Slovaquie est profondément antisémite. Le 9 septembre 1941, son Parlement adopte un « Code juif » qui reprend toutes les mesures antijuives allemandes. Il exclut la plupart des Juifs de la vie économique, politique et sociale du pays. Les Allemands applaudissent, soulignant que ce code a été publié par « un Etat dirigé par un prêtre catholique ».[7]

Le 26 avril 1942, une lettre pastorale publiée par les évêques slovaques répète les vieilles accusations : « L’influence juive a été pernicieuse (...) non seulement économiquement mais aussi dans les sphères culturelles et morales, ils ont fait du mal à nos fidèles. » [8] En conséquence les évêques ne s’opposent pas « aux actes légaux du gouvernement lorsqu’il prend des mesures pour éliminer l’influence néfaste des Juifs » [9] C’est un encouragement au gouvernement d’aller de l’avant.

Le premier ministre Tuka est à l’image du pays. Ses propos antisémites rivalisent avec ceux des nazis. « Ma mission est de débarrasser la Slovaquie de cette peste… les Juifs sont une race asociale, inassimilable ; ce sont des éléments pernicieux et délétères qu’il faut éliminer sans égards… Pour libérer la Slovaquie de la peste hébraïque, il n’y a d’autres moyens que la déportation forcée en masse ». [10]


Mgr. Tiso est sur la même longueur d’onde. Dans un discours, le 15 août 1942, il ajoute une référence chrétienne aberrante : « que l’élément juif ait mis en péril la vie des Slovaques, je pense que plus personne n’a besoin d’en être convaincu… Les choses seraient bien pires si nous n’étions débarrassés d’eux. Et nous faisons cela selon le commandement de Dieu : Slovaque, va, débarrasse-toi de ton parasite...»[11]

« Le malheur, c’est que le président de la Slovaquie est un prêtre. Que le Saint-Siège ne puisse mettre Hitler au pas, tous le comprennent. Mais qu’il ne puisse retenir un prêtre, qui le comprend ? » écrit Mgr.Domenico Tardini dans une note interne du Vatican. Il ajoute : « Il y a deux fous : Tuka qui agit et Tiso, un prêtre qui laisse faire ! » [12] En fait le président Tiso est heureux qu’un autre fasse la « sale besogne ».

En juin 1942 Mgr.Tiso décide de mettre fin aux déportations sans que les Allemands ne réagissent. Il pouvait donc résister aux pressions de ses propres ministres et éviter les déportations massives du printemps 1942. [13] D’autant plus que, comme le souligne un historien, « la déportation ne fut pas le fruit de pressions allemandes mais d’une demande des Slovaques ». [14]

Le 26 juin 1942, dépité par cet arrêt des déportations, l’ambassadeur d’Allemagne à Bratislava Hans Ludin se contente d’en dresser le constat dans une note à Berlin : « L’évacuation des Juifs de Slovaquie est dans l’impasse. A cause de l’influence du clergé et de la corruption de quelques fonctionnaires, 35 000 Juifs ont bénéficié d’une considération spéciale sur la base de laquelle ils ne doivent pas être évacués...»[15]

Le Vatican a protesté sans éclats, la population n’a réagi que devant la brutalité des milices slovaques pendant les arrestations et l’embarquement des Juifs dans les wagons. Pour le gouvernement, il faut garder quelques « bons Juifs » et leurs familles. Les fonctionnaires, les entrepreneurs, les financiers qui sont essentiels à la vie économique et administrative du pays.

Pendant deux années, le Président Tiso résiste aux offensives de ses ministres et des Allemands pour que la « solution finale » reprenne. « C’est le premier pays satellite où les Allemands rencontrent une résistance suffisamment forte pour qu’ils doivent interrompre leurs plans pour une solution finale », écrit un historien. [16]

L’Armée rouge approchant, la résistance slovaque se soulève le 29 août 1942. La Wehrmacht occupe le pays et réprime l’insurrection. La Gestapo arrive, 13 à 14.000 Juifs sont déportés sous prétexte qu’ils aident les résistants. Le 29 octobre 1944, Mgr. Burzio reçoit un message pressant de Pie XII : « Rencontrez immédiatement le président Tiso et informez-le que Sa Sainteté éprouve un profond chagrin qu’un très grand nombre de personnes, contrairement aux principes de justice et d’humanité, souffrent dans ce pays du fait de leur nationalité et de leur race. » Message que le pape réitère dans une forme analogue le 21 novembre.[17]

Sans résultat. Tiso n’est plus à même d’agir. Il n’en continue pas moins à répéter sa haine à l’égard des Juifs. Le 8 novembre 1944, il écrit à Pie XII : « Le gouvernement de la République slovaque a mené les actions dont il est accusé contre les Tziganes et les Juifs non pas en raison de leur nationalité ou de leur souche, mais au nom du devoir de défendre la nation contre des ennemis qui depuis plusieurs siècles oeuvraient à sa destruction. »[18]

Sur 70.000 Juifs qui furent déportés de Slovaquie, 65.000 ne sont pas revenus. [19] Le pire, dont on parle insuffisamment, ce sont les 52.000 Juifs qui ont été volontairement livrés aux Allemands par le Président Tiso et son Premier Ministre Tuka. Tiso est un prêtre. Pie XII pouvait donc le convoquer à Rome, le destituer et pourquoi pas, le menacer d’excommunication et passer à l’acte si nécessaire. [20] Le pape s’est contenté de le rappeler à l’ordre à plusieurs reprises et de lui retirer son titre de Monseigneur. [21]


[1] MORLEY John, Vatican Diplomacy and the Jews during the Holocaust, 1939-1943, New York, 1980, p. 84.

[2] FRIEDLANDER, Saul, Les années d’extermination, l’Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Seuil, Paris, 2008, p. 301.

[3] BLET Pierre, Pie XII et la Seconde Guerre Mondiale, Perrin, Paris, 1997, p. 193.

[4] FABRE Henri, L'Eglise catholique face au fascisme et au nazisme, Editions Espaces de Liberté, Bruxelles, 1994, p. 330.

[5] HILBERG Raul, La destruction des Juifs d'Europe, Fayard, Paris, 1988, p. 637.

[6] GUTMAN Ysrael, ed. Encyclopedia of the Holocaust. Macmillan Publishing, New York-London, 1990, p. 1365.

[7] FABRE, op. cit. p. 327. PHAYER John Michael, The Catholic Church and the Holocaust, 1930-1965, Indiana University Press, Bloomington, Indiana, 2000, p. 87

[8] MORLEY, op. cit. p. 85.

[9] VAGO, Bela et MOSSE, George, Ed. Jews and non Jews in Eastern Europe, 1918-1945, John Wiley, New York, 1974, p. 226.

[10] FABRE, op. cit. p. 336.

[11] MICCOLI Giovanni, Les dilemmes et les silences de Pie XII, Editions Complexes, Bruxelles, 2000, p. 361.

[12] FABRE, op. cit. p. 332. Mgr. Tardini est Secrétaire de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques.

[13] 4.000 Juifs seront encore déportés entre juin et novembre 1942.

[14] FRIEDLANDER, op. cit. p. 468.
[15] FRIEDLANDER, op. cit. p. 469.

[16] VAGO et MOSSE, op. cit. p. 237. Citant Léon Poliakov.

[17] GRAHAM ROBERT, Pius XII and the Holocaust, Catholic League for Religious Civil Rights, Milwaukee, Wisconsin, 1988, p. 65 et 67.

[18] MICCOLI, op. cit. p. 336.
[19] FRIEDLANDER, op. cit. p. 642.
[20] FABRE, op. cit. p. 353.
[21] PHAYER, op. cit. p. 14.

Copyrigth Marc-André Charguéraud. Genève. 2010

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