C'était le nom de ce cabaret créé pendant la guerre à Lausanne par le poète et chansonnier Jean Villard Gilles. Il avait alors comme partenaire Edith Burger. Avant guerre et jusqu'à la mobilisation il était à Paris en duo avec Julien. Dès la déclaration de guerre il rentra en Suisse et fut mobilisé et en tant que chansonnier participa à l'animation et au moral de la troupe...
Voici un passage de son autobiographie:
Mon Demi-Siècle et demi
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Imaginez, dans une cave profonde, le coup de Soleil, plein à craquer, hypertendu, chacun transportant avec soi cette espèce d'angoisse constante, sourde, inavouée qui l' habite au milieu d'une Europe en ruines.
Imaginez ce public où les agents de l'Axe se mêlent aux diplomates alliés, aux collabos de passage, aux maquisards qui débarquent clandestinement de Savoie pour se ravitailler, sachant trouver chez nous des amis et de l'aide; le tout noyé dans la masse des fidèles qui attendent d'Edith et Gilles non pas tant l'oubli que le soulagement de leurs angoisses.
Sur cet auditoire ultra-sensible, le moindre mot, la plus petite allusion porte à fond. J'en glisse sournoisement dans l'histoire la plus éloignée des événements, dans la chanson la plus manifestement locale ou folklorique. Nous chantons par exemple le vigneron. Je le décris descendant de sa vigne, cueillant les amis à la cave, autour du guillon traditionnel.
Les voilà trinquant, devant le tonneau, qui « fait six mille litres ». Tout à coup, au troisième couplet, voilà qu'ils chantent:
Ils sont foutus - qui donc? - silence!
Ils sont foutus, tu m'as compris
Patience! amis, patience!
Et bientôt on sera dépris!
Ce petit quatrain, c'est une bouffée d'espoir qui allège nos poumons. Ça suffit. Une espèce de jubilation s'empare du public... et je vois le consul général d'Allemagne esquisser le sourire d'un homme sûr de son affaire et qui pense sans le dire: «
Cause toujours, chansonnier helvète, on réglera nos comptes plus tard! »
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