Les informations sur le sort des Juifs
"à l'Est" étaient nombreuses, et, contrairement à la légende, ont fait l'objet d'une diffusion non négligeable, notamment à la
B.B.C.. Voir à ce titre
Peter Longerich, "Nous ne savions pas". Les Allemands et la Solution finale 1933-1945, Héloïse d'Ormesson, 2008, et Adam Rayski/Stéphane Courtois,
Qui savait quoi ? L'extermination des juifs, 1941-1945, La Découverte, 1987.
Il ressort de ces deux études que si dans l'ensemble il était difficile de se représenter l'extermination systématique des Juifs dans sa totalité, il n'en demeure pas moins que tout un chacun avait les moyens, sans trop se donner la peine de réfléchir, d'imaginer que le destin des déportés serait affreusement tragique, et même de savoir qu'ils finiraient gazés. Bref, prétendre que nul ne savait ce qui se passait dans les charniers des
Einsatzgruppen et les camps d'extermination relève de la foutaise caractérisée.
Dans le cas français, l'information selon laquelle les Juifs étaient supprimés par gaz en Pologne occupée fut introduite en France à l'automne 1942.
Les conditions épouvantables des arrestations et de la déportation étaient déjà connues dès l'été 1942, comme le démontre cet excellent article de Léon Bel.
A l'automne, sans préciser le nom d'aucun camp, le journal clandestin
J'accuse mentionnait des gazages de Juifs.
D'autres journaux reprirent la nouvelle à leur compte. C'est au mois de mars 1943 que
J'accuse, pour la première fois en France, cita le nom d'Auschwitz, mais l'assimilait à un camp de concentration (mort lente), et non à un camp d'extermination (mort à l'arrivée). Or, Auschwitz était un camp mixte, camp de travail et site d'annihilation de masse. Il n'en demeure pas moins qu'il ne présentait pas Auschwitz comme une sinécure.
L'émission de la
B.B.C. "Les Français parlent aux Français" mentionna les camps d'extermination le 8 juillet 1943. Il fallut attendre le 17 août pour que cette émission évoquât assez précisément Auschwitz, à partir du témoignage d'un évadé recueilli par la Résistance polonaise. Mais l'information avait déjà été diffusée en France par le biais de tracts.