Mesmer dans le livre de Benamou
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Découvrant la situation en France, j'ai ressenti une profonde déception. Mon désappointement tenait, d'une part, à l'écart sans doute inévitable entre le rêve et la réalité. J'ai vécu des moments de rêve par exemple, la descente depuis l'Étoile jusqu'à la Concorde, le surlendemain de la Libération. Mais la réalité s'est imposée. J'ai vu fleurir des croix de Lorraine sur les brassards de gens qui n'avaient strictement rien fait pendant la guerre, certains avaient même collaboré un peu et se trouvaient des habits de résistant au dernier moment. Ces résistants du mois d'août 1944 - sans doute pour se faire pardonner leur inaction, ou avec l'arrière-pensée d'une conquête possible du pouvoir, je pense aux communistes - se livraient à des abus manifestes. Depuis les filles dont on rasait le crâne jusqu'aux exécutions expéditives. Et, naturellement, je trouvais encore la marée innombrable des fonctionnaires français de tout poil qui se précipitaient pour garder leur place, quoi qu'ils aient fait.
J'ai eu un accrochage sévère avec le général Koenig à propos de la fourragère rouge de la police parisienne. Les règles militaires sont formelles : une unité ne peut la porter qu'après avoir été citée sept fois à l'ordre de l'armée. La police parisienne n'avait qu'une seule citation, gagnée au surlendemain de la Libération. Des gredins de la police parisienne, peu résistants quoi qu'ils en aient dit par la suite, étaient allés rafler des fourragères, et, le lendemain, tous les policiers se baladaient avec. Mon sang de légionnaire n'a fait qu'un tour. Je suis monté dans le bureau du général Koenig:
« Les policiers parisiens portent la fourragère rouge, ils n'y ont aucun droit, vous le savez, j'ai préparé une note. » Il a refusé de signer. Le plus important pour lui, même si j'avais raison, était la cohésion de la police parisienne. Il préférait fermer les yeux. Donner la fourragère à des gens qui se sont battus quarante-huit heures, et encore pas tous, alors que, pour une unité militaire, il faut des années de combats et des milliers de morts, est scandaleux! Cette décision du général Koenig fut approuvée par le général de Gaulle. Ils avaient raison de leur point de vue. La police parisienne la porte toujours sans y avoir droit.
J'accepte très bien cela aujourd'hui, mais, sur le moment, j'ai demandé ma mutation immédiate. J'ai rejoint mon régiment au mois de septembre 1944, dans les Vosges, puis je suis parti tres loin en Extréme-Orient en décembre 44
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Jacques |