Michel Hollard, résistant - Une autre Suisse, 1940 - 1944 - forum "Livres de guerre"
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Une autre Suisse, 1940 - 1944 / Jean-Pierre Richardot

 

Michel Hollard, résistant de Christian Favre le mercredi 29 avril 2009 à 18h53

Jean-Pierre Richardot a consacré un chapitre à ce résistant dont les informations ont servi à la destruction des pistes d'envois des fusées VI sur Londres. Voici un autre récit sur le même sujet.

De mystérieuses positions de tir sont en construction le long des côtes du nord de la France.
Toutes sont pointées vers Londres. Les Alliés sont inquiets. Ils devinent que les Allemands préparent une nouvelle offensive, mais, sur sa nature et son importance, ils ignorent tout.

L'homme qui a sauvé Londres
par George Kent

C'était en octobre 1943. On entrait dans la cinquième année de guerre. Un Français, Michel Hollard, s'apprêtait à passer en Suisse en franchissant clandestinement la frontière. Avec son physique trapu, le sac de pommes de terre qu'il portait sur l'épaule et la hache qu'il tenait à la main, il avait tout à fait l'air d'un bûcheron.
Le soleil matinal filtrait à travers les arbres tandis que l'homme avançait du pas léger d'un chat aux aguets. Le plus petit bruit pouvait signer son arrêt de mort, car, dans les bois et sur les collines, des oreilles allemandes étaient à l'écoute.
Michel Hollard avait quarante-cinq ans. Dessinateur industriel devenu espion pour servir sa patrie, il avait déjà traversé la frontière suisse quarante-neuf fois. Chaque fois, il apportait avec lui des renseignements militaires à destination de l'Angleterre. Ses collaborateurs et lui-même avaient situé avec précision les emplacements secrets de terrains d'aviation allemands en France, repéré des batteries côtières, découvert le plan d'une base de sous-marins à Boulogne, signalé le déplacement de divisions entières, tous renseignements de grande valeur. Pourtant aucun de ces secrets n'était comparable à celui qu'il portait ce jour-là.
Caché parmi les pommes de terre se trouvait, en effet, un document qui allait non seulement sauver Londres de la destruction totale, mais encore écourter la guerre de plusieurs mois. Hollard transportait un calque des positions de lancement de 1a nouvelle bombe volante allemande, le redoutable V I.
L'idée de Hitler était de faire pleuvoir sur Londres cinquante mille V1, à la cadence de cinq mille par mois. Les préparatifs du lancement de ces engins avaient été entourés du plus grand secret. Des travailleurs réquisitionnés ne parlant pas français, Hollandais et Polonais pour la plupart, étaient employés à construire les rampes. Celles-ci étaient presque installées et terminées en plus de cent points.
Pour l'instant, Michel Hollard, le seul homme parmi les Alliés à connaître les détails de ce plan, approche de la frontière. Il se met à courir. Bientôt il atteint les rouleaux de barbelés qui séparent la France de la Suisse. I1 a déjà jeté sa hache et son sac de l'autre côté quand, soudain, il sent son genou pris dans un étau d'acier - la gueule d'un énorme chien policier allemand.
Le chien se contente de rester là et de serrer. Hollard ne peut pas bouger. Pourtant il sait qu'il lui faut se libérer, car, tout près de là, se trouvent certainement les hommes qui opèrent avec ce chien.
Il ne porte pas d'arme. Une arme éveillerait les soupçons si l'on fouillait le simple paysan qu'il prétend être. Pris de panique, il cherche du regard autour de lui quelque chose pour ouvrir de force la gueule du chien. Par miracle, il y a justement ce qu'il recherche - un long bâton solide. Il l'introduit progressivement entre les mâchoires de l'animal, puis le lui pousse de toutes ses forces dans le gosier. Pendant une longue minute, il ne se passe rien. Enfin le chien lâche prise et roule à terre, mort.
Hollard rampe à grand-peine à travers le barbelé et saisit son sac; il voit un garde frontière suisse épauler son fusil. Ce n'est pas lui qui est visé, pourtant, mais deux soldats allemands qui allaient tirer sur lui. Les Allemands abaissent leurs armes et s'éloignent en grommelant.
Peu après le passage mouvementé d'Hollard, les bombardiers alliés commencèrent à attaquer les positions de tir des V I. En cinq semaines, soixante-treize d'entre elles furent soit entièrement détruites, soit endommagées au point d'être inutilisables. Les Allemands en construisirent d'autres - plus petites -, mais le grand rêve nazi de démolir Londres de fond en comble s'était évanoui. Sur les cinquante mille bombes prévues, deux mille cinq cents à peine atteignirent leur but. Et elles tombèrent, non pas à la fin de 1943, époque à laquelle elles auraient peut-être changé le cours de la guerre, mais au milieu de 1944 - trop tardivement et en trop petit nombre.
« Il est vraisemblable, a écrit Eisenhower dans Croisade en Europe, que si les Allemands avaient réussi à perfectionner et à réaliser ces armes nouvelles six mois plus tôt, notre débarquement en Europe se serait révélé excessivement difficile, voire impossible. » L'étonnant, dans cette histoire, est que Michel Hollard - qui fut l'un des espions les plus remarquables de la Seconde Guerre mondiale - agissait uniquement de sa propre initiative. Personne ne lui avait rien demandé. Personne ne l'aida. Avait-il des renseignements à donner, il se contentait de pénétrer en Suisse en passant la frontière. Il n'avait à sa disposition ni radio, ni système de parachutage, ni service de courrier.
Ce petit employé d'un bureau d'études était le plus simple des hommes. Après l'entrée des Allemands à Paris, quand ses employeurs commencèrent à travailler pour l'ennemi, il sentit que le moment décisif était arrivé. Il commença par quitter son emploi en guise de protestation et devint agent d'un fabricant de gazogènes à charbon de bois pour automobiles. Cette situation devait lui être d'un secours inestimable dans la tâche qu'il avait décidé d'accomplir pour son pays : ses fréquents séjours dans les régions voisines de la frontière suisse s'expliquaient par la recherche de bois pour gazogènes.
Un jour, il essaya de se glisser à travers la frontière, sérieusement gardée, afin d'aller proposer aux Anglais ses services comme espion. Il fut pris par les Allemands, mais s'en tira avec des boniments. A sa deuxième tentative, il passa. Les Anglais lui demandèrent d'identifier des unités militaires et de signaler leurs déplacements.
Durant les trois années qui suivirent, Hollard ne connut guère de repos. Avec le temps, il recruta un certain nombre de Français pour l'aider : cheminots, chauffeurs de camion, garçons de café, hôteliers.
Partie d'un noyau de cinq personnes, son organisation, le réseau Agir, grandit au point d'en compter cent vingt vers la fin de la guerre. Sur ce nombre, vingt agents furent pris et exécutés par les Allemands. D'autres furent blessés ou ne s'en tirèrent que d'extrême justesse. Hollard lui-même, rentrant une nuit de Suisse, commit l'étourderie de garder aux lèvres une cigarette allumée. Entendant une voix allemande crier « Halt! », il se jeta à terre et écrasa sa cigarette. Comme il s'éloignait en rampant, deux balles sifflèrent.

D'énigmatiques constructions

Son exploit le plus sensationnel (le dépistage des emplacements de V1) eut pour point de départ, en août 1943, un café de Rouen. Un de ses agents régionaux signala y avoir entendu deux entrepreneurs parler d'un ouvrage de type inhabituel, exécuté pour le compte des Allemands. Ce qui les stupéfiait, c'était l'extraordinaire quantité de béton utilisée.
Le lendemain du jour où il reçut cette information, Hollard se rendit à Rouen. Sobrement vêtu de noir, il entra au bureau officiel d'embauche et déclara représenter une organisation protestante qui s'intéressait au bien-être spirituel des travailleurs. Il exhiba plusieurs bibles et demanda si des entreprises de construction travaillaient dans la région. On lui dit qu'il y en avait une à Auffay, à 30 kilomètres environ de Rouen.
Une heure plus tard, il était à Auffay, vêtu d'un bleu d'ouvrier. Quatre routes principales sortaient de la ville. II en essaya trois, pour revenir chaque fois bredouille. Au quatrième essai, il tomba sur une vaste clairière où s'affairaient plusieurs centaines d'hommes. On coulait du béton, des constructions s'édifiaient.
Hollard saisit une brouette, la chargea de briques et se mit à la besogne. Personne ne l'arrêta. Les manoeuvres, pour la plupart, ne parlaient pas français. Ceux qui le parlaient un peu lui expliquèrent que l'on construisait des garages. C'était évidemment faux. Ces ouvrages étaient trop petits pour une telle utilisation. D'ailleurs, pourquoi des garages, à des kilomètres de la ville la plus proche?
Ce qui intriguait le plus Hollard, c'était une bande de béton de 45 mètres balisée par une longue corde bleue qui s'allongeait au-delà de l'aire. I1 sortit sa boussole et découvrit que la bande bétonnée était pointée exactement dans la direction de Londres. Quand il apprit que les Allemands faisaient travailler les hommes en permanence, par roulement de trois équipes, il s'en alla rendre compte de sa découverte aux services anglais.
A Londres, les chefs alliés, y compris Winston Churchill et le général Eisenhower, étaient fort inquiets des préparatifs allemands. De vagues renseignements étaient parvenus, de Peenemünde, sur une sorte d'avion sans pilote » en cours de mise au point; sur la plage de Bornholm, un Danois avait trouvé les débris d'une arme bizarre, apparemment tombée du ciel. Une offensive éclair semblait s'organiser, mais, sur sa nature et son importance, personne ne savait rien.
A ce stade des conjectures, le rapport d'Hollard fit l'effet d'une bombe. Le Français reçut l'ordre de concentrer toute son attention sur les énigmatiques constructions allemandes.

Un travail colossal

Hollard et quatre de ses agents se mirent alors à parcourir systématiquement le nord de la France à bicyclette. Soit de visu, soit par des renseignements sûrs, ils découvrirent en trois semaines plus de soixante de ces mystérieuses positions de tir. A la mi-novembre, ils en avaient trouvé quarante autres, toutes situées dans un couloir de près de 300 kilomètres de long sur 50 de large, sensiblement parallèle à la cote, et toutes pointées vers Londres! Mais de quoi s'agissait-il au juste?
En matière d'espionnage, la chance joue souvent un grand rôle, et ce fut une série de coïncidences qui guidèrent Hollard jusqu'au secret 1e mieux gardé de Hitler. Un jour, un de ses agents lui recommanda chaudement un ami, un jeune homme nommé Robert, qui cherchait une occasion de nuire aux Allemands. Hollard lui trouva du travail dans un aéroport. Robert, à son tour, persuada un de ses amis, André, de se porter volontaire pour un emploi qui, par la suite, l'amena au Bois-Carré, l'un de ces étranges chantiers de construction. Huit jours après avoir pris son nouveau poste, André vint faire son rapport à Hullard et lui remit des calques de plans qui étaient passés par ses mains. Il lui déclara à cette occasion que c'étaient les derniers qu'il lui livrerait, les Allemands lui avant fait signer l'engagement de ne rien révéler de ses activités.
Hollard n'était pas coutumier de la manière forte. Il s'était assuré le concours de ses collaborateurs en faisant appel à leurs sentiments patriotiques. En l'occurrence, il se montra implacable. Il donna ordre à André de se procurer à tout prix un calque du plan d'ensemble. Sinon, il le traiterait comme un soldat qui a déserté son poste en temps de guerre.
André accepta la mission. Au Bois-Carré, l'Allemand responsable, conservait ce plan dans la poche intérieure de son manteau, qu'il portait même au bureau. I1 ne l'enlevait un moment qu'à 9 heures du matin pour aller aux toilettes.
Pendant plusieurs jours, André chronométra les absences matinales de l'Allemand. Elles variaient entre trois et cinq minutes. Un matin, quand l'autre eut disparu, André se glissa dans son bureau, traça un calque rapide du plan; il avait regagné sa place lorsque le propriétaire au manteau revint.
A la fin de la semaine, suivant les conseils d'Hollard et en utilisant un médicament que celui-ci lui avait donné, André se plaignit de vives, douleurs à l'estomac. Le médecin allemand se montra sceptique, mais lorsque le malade fut pris de vomissements, il lui signa une autorisation de se rendre à Paris, pour y consulter son médecin habituel .
A Paris, André et Hollard commencèrent par comparer le calque du plan d'ensemble avec les plans de détail que le réseau Agir s'était procurés. Puis ils vérifièrent leurs tracés par des observations sur place. C'était un travail colossal, comme de construire un dinosaure à partir d'une demi-douzaine d'ossements. Souvent les deux hommes aboutissaient à une impasse et tout était à refaire. Mais ils finirent par mettre chaque élément à sa place, et alors apparut, magnifiquement détaillé, le plan d'une base de V1.
C'était ce document qui passait la frontière dans un sac de pommes de terre lorsque le chien policier saisit la jambe d'Hollard.
Quand le Français eut livré son butin, un télégramme arriva de Londres :
BIEN REÇU VOTRE PRISE, FÉLICITATIONS.
Alors se produisit la réaction. Hollard était fatigué - fatigué d'être depuis trop longtemps sur la brèche, fatigué de vivre chaque minute dans l'angoisse. Les Anglais insistèrent vivement pour qu'il prolongeât son séjour en Suisse, et il fut tenté de le faire. Mais il pensa aux chefs de gare qui, au péril de leur vie, recopiaient des horaires de trains militaires, aux hommes qui s'introduisaient furtivement dans des hangars d'avions et des chantiers navals, à ceux qui perchaient dans des clochers d'église pour surveiller les mouvements des troupes allemandes. Et il rentra en France. Quelques mois plus tard, à la suite d'une imprudence commise par une de ses collaboratrices, il était arrêté dans un café. Des trois hommes qui furent pris avec lui, l'un mourut dans un camp de concentration, les autres furent relâchés après trois mois de détention. Hollard fut affreusement torturé, mais il ne parla pas. Aucune preuve n'ayant été relevée contre lui, on ne le fusilla pas, mais on l'envoya au camp de concentration de Neuengamme.
La guerre tirant à sa fin, les Allemands vidèrent le camp, entassèrent le troupeau des déportés dans la cale de navires qu'ils abandonnèrent à la dérive en pleine mer du Nord, persuadés que les bombardiers alliés les couleraient. Par miracle, Hollard, enfermé avec des centaines d'autres compagnons de misère, fut transbordé au dernier moment d'un des navires condamnés sur un bateau de la Croix-Rouge suédoise.
Il fallut six semaines de soins à l'hôpital pour le remettre sur pied. Dans l'avion qui le ramenait en France, il survola à basse altitude Auffay, où il put voir un amas de poutres tordues et de moellons - ce qui restait de la première position de tir de V1 découverte par lui. La R. A. F. avait envoyé un avion le chercher pour l'amener à Londres, où il devait recevoir la plus haute décoration militaire qui puisse être décer¬née à un étranger, le D. S. O. (Distinguished Service Order). Mais Hollard était déjà en route vers son pays. On le décora plus tard à Paris.
Le général sir Brian Horrocks, qui commandait le 30e corps de l'armée britannique de libération, a porté sur lui le jugement suivant:
- Hollard méritait incontestablement de recevoir la plus haute distinction pour sa bravoure. Il est, littéralement, « l'homme qui a sauvé Londres ».

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