C'est bien simple : il n'y en a pas entre le 8 août et le 1er octobre 1939. Encore celui du 8 août, intitulé Europe in suspense, est-il diffusé depuis les Etats-Unis. Qu'il puisse parler à la BBC, et ce sur la politique générale, le 1er octobre, alors qu'il n'est que ministre de la Marine et représente au sein du cabinet une tendance minoritaire, que dis-je, individuelle, est le résultat d'une offensive... de charme envers Chamberlain (tendant à le séparer fût-ce un peu des Halifax, Hoare, Simon et autres chantres de l'appeasement : fruits à cueillir le 10 mai 40) et aussi, surtout peut-être, du dégoût croissant de lui que Hitler a distillé jour après jour, en ce septembre, dans l'esprit du premier ministre au parapluie.

Je n'ai même pas besoin de relire ce célèbre discours pour mettre ma tête à couper (et j'y tiens !) que son ton envers l'Allemagne n'est pas du tout ce que dit Prieur... et envers le Christ encore moins !

Je le relis tout de même. Dès la deuxième ligne il parle de "the war against Nazi Germany", là où les portugaises ensablées du sieur Prieur entendent "Germany" tout court. Ensuite, dans le fameux passage sur l'URSS "rébus dans une énigme enveloppée d'un mystère", il parle encore de Nazi menace contre ce pays. Il lui arrive bien sûr aussi de mettre German ou Germany sans épithète politique -on est tout de même en guerre contre un pays, non un parti. Sautons à la conclusion. Elle comporte l'habituelle admiration churchillienne pour la machine de guerre allemande, qu'il compare à celle des Sudistes américains... ce qui permet le retour en fanfare de la distinction entre Allemagne et nazisme :

De toutes les guerres menées par l'humanité dans son dur pélerinage [la connotation chrétienne s'arrête là !], pas une ne fut plus noble que la grande Guerre Civile américaine d'il y a près de quatre-vingts ans. Les deux camps combattirent avec une conviction égale et la guerre fut longue et dure. Tout l'héroïsme du Sud ne put pas racheter son option en faveur du maintien de l'esclavage, tout comme le courage et l'habileté dont les Allemands font toujours preuve au combat ne les dispenseront pas de se voir reprocher le nazisme, avec son cortège d'intolérance et de brutalité. Ce qui s'est passé en Amérique dans ces jours fameux du siècle passé doit fortifier notre courage. Nous pouvons être assurés que le monde reprendra sa marche vers le progrès.

Donc, à la réflexion, ce que je disais plus haut (enfin, ici, plus bas !) sur la possibilité que Prieur ait été intoxiqué par le discours nazi lui-même (Churchill, ivrogne enjuivé qui ne rêve que d'une Allemagne en ruines) me paraît vraisemblable, la question étant de départager la complaisance et la naïveté avec lesquelles il se laisse, encore aujourd'hui, intoxiquer.