Au témoignage de Navarre, on pourrait ajouter celui de Paillole : Services Spéciaux (1935-1945), Robert Laffont, 1975. Ces Témoignages sont intéressants mais ils ont leurs limites. Paillole, par exemple, refusant de croire à la trahison de l'amiral Canaris, un fait pourtant établi et totalement indiscutable.
S'agissant des fuites qui seraient autant de ruses allemandes pour intoxiquer les Français et leurs alliés, on ne peut qu'être dubitatif devant la théorie de François Delpla. Il est en effet démontré que, dès le début de la guerre, Canaris et son factotum, le colonel Oster, se précipitent dans les bras des Occidentaux pour leur livrer tous les secrets militaires allemands. Des armes nouvelles aux plans d'invasion, tout y passe. C'est tellement gros que les destinataires de ces renseignements d'une valeur inestimable les accueillent avec méfiance, redoutant une manoeuvre d'intoxication. Il faut dire que la "source" est tellement bien renseignée que le détail des plans d'invasion et les dates précises de leur mise en oeuvre sont communiqués quasiment en temps réel aux Occidentaux. Conséquence : les inévitables contre-ordres, modifications, reports et autres changements de dates, transmis aux franco-britanniques, finissent par donner l'impression à ces derniers que leurs contacts allemands cherchent à les déstabiliser en semant la confusion. Telle n'était évidemment pas l'intention de Canaris ! Un scénario assez proche se répètera au moment de l'invasion de l'URSS quand Staline, pourtant parfaitement renseigné sur les projets allemands, refusera de croire ses espions. Pas de ruse nazie derrière tout cela.
A propos d'Enigma, Anthony Cave-Brown (La Guerre secrète, Pygmalion, 1981) émet l'hypothèse que le mystère en aurait été percé grâce à l'aide du "parrain" de la machine, le général Fellgiebel, chef des transmissions de l'OKW. L'hypothèse est purement hypothétique mais néanmoins crédible quand on s'intéresse au parcours de Fellgiebel, opposant au national-socialisme et membre de la conjuration du 20 juillet 1944. Dans un livre paru en 2001 (Without Enigma : the Ultra and Fellgieble riddles), Kenneth Macksey semble explorer cette voie... |