L'introduction par l'auteur - La chasse aux espions en Suisse - forum "Livres de guerre"
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La description du livre

La chasse aux espions en Suisse / Colonel R. Jaquillard

 

L'introduction par l'auteur de Christian Favre le vendredi 07 novembre 2008 à 11h22





INTRODUCTION


Hypocrisie, astuce, ruse et cruauté ! Que de fois les ai-je retrouvées chez nombre de nos contemporains. Chez certains malfaiteurs surtout, accumulant dans leurs sinistres exploits tant de crimes, tout imprégnés de perfidie, farcis de sadique brutalité. Tels furent de nombreux criminels de droit commun pillant sans vergogne des naïfs ou assassinant lâchement des êtres sans défense. Toutefois ils ne sont point encore les pires représentants de la race humaine. Les plus mauvais, les plus dangereux, les plus néfastes ont été les espions et les traîtres : la guerre mondiale les a mis tragiquement en vedette.
Cette affirmation pourrait paraître exagérée. Voyons. Les malfaiteurs les plus chargés de crimes ont supprimé au maximum quelques dizaines de leurs semblables. Les tueurs Hartmann ou Weidmann, les Landru, d'autres encore, sont de rares exceptions. Tandis que les traîtres et les espions de six années de guerre furent légion. En révélant des secrets militaires, en dénonçant des civils ou des résistants, ils ont - comme les saboteurs - provoqué la mort de milliers de militaires, d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants auxquels s'ajoutent les blessés, devenus pour toujours de misérables loques humaines.
La dernière conflagration a apporté trop de preuves de ces résultats. Aucun doute ne saurait dès lors sub¬sister. Bien plus, l'activité de ceux qui ont été des espions ou qui ont trahi a concouru au plus haut degré à la destruction des pays et à l'asservissement des populations.
Les espions sont lourdement chargés de méfaits. Ce serait néanmoins manquer d'équité de les pourvoir tous de la même étiquette. Beaucoup d'agents secrets sont de vaillants soldats de l'ombre, remplissant courageusement des missions nécessaires, délicates et périlleuses, au seul profit de la défense nationale. Sans gloire aussi et sans autre satisfaction que celle du devoir accompli ! D'aucuns sont guidés uniquement par leur patriotisme, par le besoin de servir. D'autres sont inspirés par la haine ou par la vengeance : ils ont été des victimes de l'envahisseur barbare qui a peut-être tué un être cher, en le martyrisant parfois, à moins qu'il n'ait sauvagement détruit leurs biens.
Les mobiles des uns sont louables ; ils inspirent le respect. Les mobiles des autres sont humainement explicables.
Aussi bien ne s'agit-il pas de ces agents-là. Nos propos vont à l'adresse des espions mercenaires. Ceux-là servent n'importe quelle cause pourvu qu'elle rapporte, vendent à l'encan leur conscience au plus offrant et trahissent indifféremment leur patrie ou un autre pays, le plus souvent simultanément ou successivement plusieurs pays. Ils sont des tigres, des hyènes ; ils ont du félin la lâcheté, du carnassier les satisfactions sanguinaires.
Le dernier conflit mondial en a révélé des milliers de ces monstres, auxquels on doit ajouter les espions nazis. Leurs agissements cruels ont atteint au sadisme et tous ont tiré profit matériel de leur activité. Il n'est point de pays qui n'ait produit les siens. La Suisse ne pouvait faire exception. Elle a eu ses espions, elle a eu ses traîtres.
Ce fut là une circonstance attristante, certes, et nouvelle pour notre pays. Il n'avait rien connu de semblable auparavant, pendant la guerre de 1914 à 1918, en particulier. Douloureusement surprise, l'opinion publique a réagi avec une vigueur et un ensemble qui en disaient long sur les sentiments unanimes de notre peuple dont la presse de chez nous s'est fait l'interprète énergique. Cette unité de voix a eu pour résultat d'ouvrir certains horizons - fermés jusqu'alors - de nos tribunaux militaires.
Le Conseil fédéral, après qu'on lui eut exposé la gravité exceptionnelle de l'espionnage allemand sévissant chez nous, avait, sans délai, introduit dans le Code pénal militaire la peine de mort pour le temps de la mobilisation de guerre. C'était le 28 mai 1940. Or, la première peine capitale n'est intervenue qu'à la date du 25 septembre 1942. Jusque-là, des peines trop légères ont été prononcées. La protection de la défense nationale a souffert de cette mansuétude. C'est que nos tribunaux ne s'étaient pas rendu compte, de longs mois durant, de la nature des manoeuvres dirigées contre nous et des risques qu'elles faisaient courir au pays. A cela, il convient d'ajouter que, jusqu'à la guerre, notre peuple était en majorité opposé à la peine capitale.
Les sanctions ayant été aggravées et le châtiment suprême appliqué, les entreprises contre notre armée ont nettement diminué. Elles n'en persistèrent pas moins jusqu'à la fin de la terrible guerre.

*

Les services de renseignements de nombreux pays ont opéré sur notre sol durant tout le conflit mondial ; déjà plusieurs années auparavant. Les uns agissaient contre l'étranger, les autres contre la Suisse. L'espionnage militaire, politique et économique a sévi chez nous avec intensité. Il a exposé la Confédération à un péril certain. D'une part, en mettant en cause sa neutralité ; d'autre part, en provoquant une grave atteinte à la puissance défensive du pays. Enfin, l'espionnage a comporté d'innombrables cas de délation. Des militaires de tous grades, des magistrats jusqu'aux plus haut placés, des hommes politiques, de simples citoyens ont été lâchement dénoncés à l'étranger, accusés faussement, pour beaucoup d'entre eux, de faits inventés de toutes pièces ou manifestement exagérés. De tels agissements avaient
pour but de permettre à l'envahisseur en gestation une "épuration" immédiate dès l'instant de sa pénétration sur notre territoire. On sait ce que cela veut dire !

*

L'espionnage a tenté de nombreux écrivains. La guerre de 1914-1918, en particulier, a fait éclore une littérature nombreuse, dont le cinéma s'est emparé à son tour pour projeter à l'écran les exploits fabuleux d'espions célèbres et d'autres encore appartenant à la légende. Quelques ouvrages ont été consacrés à des travaux scientifiques. Leurs auteurs - en général des militaires - ont étudié objectivement les buts, les moyens de l'espionnage et son organisation en temps de paix et en temps de guerre, tandis qu'ils vouaient quelques chapitres aux espions eux-mêmes, révélant le patriotisme, l'esprit d'abnégation, le courage des uns, l'activité satanique des autres - des mercantis - et l'audace, le sang-froid, la persévérance dans l'effort et les risques de tous.
Des agents secrets ont écrit leurs « mémoires ». Histoires vécues, affirment-ils, mais fleurant le romanesque qui plaît au grand public et assure le succès commercial. Pourtant la vie d'un espion est surabondamment truffée d'aventures curieuses ou étranges, marquées au coin de la hardiesse allant jusqu'à la témérité. Elle se suffit à elle-même sans qu'il soit besoin de recourir à l'irréel.
Les pages qui suivent n'ont d'autre prétention que de tendre à être utiles. Elles exposent, sans fard, sans enjolivures, des circonstances vécues de l'espionnage militaire contre la Suisse, exclusivement, se bornant à taire ou à masquer des noms. Les uns - des noms propres - parce qu'il convient de laisser dans l'oubli les sinistres personnages qui nous ont épiés, vendus ou trahis. Les autres - des noms géographiques - parce que la défense nationale est en cause.
Elles poursuivent le but de rappeler à ceux qui ont déjà oublié - ils sont nombreux - les grands dangers courus par ce pays. Peut-être - mais je n'ose y croire - feront-elles ouvrir les yeux à d'autres, à qui le temps de guerre n'a rien appris et qui persistent, pour de seuls motifs de prestige personnel, à entraver systématiquement la préparation de l'armée à la protection du pays contre l'espionnage étranger, dont l'action aurait pu être mortelle en 1939-1945 si nous avions été entraînés dans le conflit. Comme elle l'a été pour d'autres!

*

Des lecteurs pourraient s'étonner de la vivacité du ton de plusieurs de nos pages et de la fermeté de certains de nos propos. A ceux-là je dois une explication. Durant la dernière mobilisation de guerre, l'auteur a eu la mission de créer et de diriger le service du Commandement de l'Armée auquel incombait la charge de la lutte contre l'espionnage et le sabotage au préjudice de notre défense nationale. Ce périlleux honneur lui a permis de suivre pas à pas l'activité de centaines d'espions et de dizaines de traîtres, d'assister muet, souvent impuissant et l'âme irritée, aux agissements astucieux des uns, tandis que la honteuse fourberie des autres ulcérait son coeur de patriote. L'ensemble de leurs opérations a constitué une véritable guerre souterraine : celle qui devait précéder l'autre, aérienne et de surface. Cette guerre, menée avec perfidie, a revêtu une ampleur de moyens laissant aucun doute quant à son objectif final: préparer l'envahissement de la Suisse et sa disparion de la carte du monde. Pendant plus d'un lustre, il a fallu lutter, à armes inégales et dans des conditions désavantageuses contre un ennemi entreprenant, sournois et sans scrupules. Surtout, il fallait, à tout prix éviter l'excès de zèle, la gaffe, voire la simple erreur pouvant créer l'incident que, de l'autre côté de la barricade, on eût été heureux de saisir comme prétexte pour placer nos autorités en mauvaise posture, mettre au pas ce « peuple de mécréants » et justifier le pire.
La fin de la guerre et la défaite de ceux qui l'ont voulue - dont le désir était de l'étendre encore - permettent, enfin, une liberté d'expression d'autant plus justifiée - pensons-nous - qu'elle est au service de la vérité.



Par le colonel Robert Jaquillard chef du contre-espionnage suisse pendant la mobilisation 39-45

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