Bonsoir,

Il faudrait voir ce que dit Bullock, quelques années auparavant.

En pauvre tâcheron, je suis incapable de résumer les quelques pages que Alan Bullock consacre à la forêt généalogique de Hitler. Aussi, contentons-nous de reproduire les extraits les plus pertinents.

Adolf Hitler vint au monde à six heures et demie, le soir du 20 avril 1889, au Gasthof zum Pommer, une auberge de la petite ville de Braunau, sur l'Inn, rivière qui forme la frontière entre l'Autriche et la Bavière. (...)

Les deux branches de la famille de Hitler étaient originaires de Waldviertel, un district campagnard lointain et pauvre, situé sur la rive nord du Danube, à quelque cinquante miles au nord-ouest de Vienne, entre le Danube et les frontières de Bohême et de Moravie. Cette région de collines et de forêts comprenait peu de villes et de voies ferrées; une population paysanne y vivait, coupée des grands courants de la vie autrichienne. Hitler était issu de cette race campagnarde, où les mariages entre les membres d'une même famille étaient fréquents. Son nom de famille est peut-être d'origine tchèque: on en trouve différentes orthographes; il apparait pour la première fois dans le Waldviertel pendant la première moitié du XVe siècle.

Johann Georg Hiedler, le grand-père présumé du futur chancelier, semble ne s'être jamais établi ; il travaillait comme meunier en différents endroits de la Basse-Autriche. Au cours de ses errances, il fit la connaissance d'une jeune paysanne originaire de Strones, Maria Anna Schicklgruber, qu'il épousa à Dollersheim en mai 1842.

Cinq ans plus tôt, en 1837, Maria avait donné le jour à un enfant illégitime, prénommé Alois. On admet généralement que le père de cet enfant était Johann Georg Hiedler. Pourtant, lorsqu'en 1842, il épousa Maria, âgée de 47 ans, Johann Georg ne se donna pas la peine de reconnaitre l'enfant ; celui-ci continua à porter le nom de jeune fille de sa mère, Schicklgruber, jusqu'à l'âge de quarante ans; il fut élevé à Spital, chez le frère de son père, Johann Nepomuk Hiedler.

En 1876, Johann Nepomuk entreprit des démarches pour faire légitimer le jeune homme qui avait grandi dans sa maison. Il consulta le prêtre de la paroisse de Dollersheim et le persuada d'effacer le mot "illégitime" de son registre et d'y joindre une déclaration signée par trois témoins, selon laquelle son frère Johann Georg avait reconnu le jeune Alois. Ce document ne peut en aucune façon être considéré comme une preuve et nous ne saurons probablement jamais avec certitude qui était le père d'Alois, le grand-père de Hitler. On a avancé que cet aïeul était sans doute Juif, mais aucune preuve définitive n'est venue infirmer ou confirmer la chose. Quoi qu'il en fût, depuis le début de 1877, douze ans donc avant la naissance d'Adolf, son père se faisait appeler Hitler et le fils ne fut jamais connu sous un autre nom, jusqu'à ce que ses adversaires exhument le scandale de village depuis longtemps oublié et tentent, sans aucune justification, de lui coller, comme une infâmante étiquette, le nom de sa grand-mère, Schicklgruber.

A treize ans, Alois quitta la maison de son oncle et devint apprenti-cordonnier à Vienne. Mais il changea de voie et, à dix-huit ans, il s'engageait dans le Corps impérial des douanes. De 1855 à 1895, Alois servit comme: douanier à Braunau et dans d'autres villes de la Haute-Autriche. Il reçut la promotion normale et, comme fonctionnaire subalterne de l'Etat, il avait certainement gravi plusieurs degrés de l'échelle sociale depuis ses origines paysannes.

Revêtu du resplendissant uniforme des services impériaux, Alois Hitler était l'image même de la respectabilité. Mais sa vie privée démentait les apparences.

En 1864, il épousait Anna Glass, fille adoptive d'un autre receveur des douanes. Ce mariage ne fut pas un succès. Le couple n'eut pas d'enfant et, après une séparation, la femme d'Alois, beaucoup plus âgée que son époux et depuis longtemps en mauvaise santé, mourut en 1883. Un mois plus tard, Alois épousait une jeune servante d'hôtel, Franziska Matzelberger, qui lui avait déjà donné un fils adultérin. Trois mois après le mariage, naquit une fille, Angela. Le second mariage d'Alois ne fut guère plus heureux. Franziska mourut de tuberculose moins d'un an après la naissance de sa fille. Cette fois, le veuf attendit six mois avant de se remarier. Sa troisième femme, Klara Polzl, était sa cadette de 23 ans et venait de Spital, le village d'origine des Hitler. Les deux familles étaient déjà liées par le mariage; Klara elle-même était la petite-fille de ce Johann Nepomuk Hiedler, chez qui Alois avait été élevé. Elle avait même vécu quelque temps à Braunau avec Alois et sa première femme: mais à dix-neuf ans, elle était partie à Vienne pour y entrer en service. Une dispense épiscopale était exigée pour ces mariages entre cousins sous-germains, mais le 7 janvier 1885, Alois Hitler convolait enfin en troisièmes noces et le 17 mai de cette même année, le couple accueillait à Braunau son premier enfant, Gustav.

Adolf fut le troisième enfant de ce troisième mariage. Gustav et Ida, ses aînés, moururent au berceau; son frère cadet, Eduard, mourut à six ans; seule, sa soeur cadette Paula, née en 1896, passa le cap de l'enfance. La famille comprenait aussi les deux enfants nés d'Alois et de Franziska, Alois, demi-frère d'Adolf Hitler, et Angela, sa demi-soeur. Angela fut la seule parente avec qui il garda des relations d'amitié. Elle tint sa maison à Berchtesgaden pendant un certain temps et Hitler tomba amoureux de sa fille, Geli Raubal.

A la naissance d'Adolf, son père avait plus de cinquante ans et sa mère moins de trente. Alois Hitler n'était pas seulement beaucoup plus âgé que Klara et ses enfants, il était aussi dur, antipathique colérique. Sa vie familiale - trois épouses dont l'une avait quatorze ans de plus que lui, l'au­tre vingt-trois ans de moins; une séparation; sept enfants dont un enfant illégitime et deux autres nés très peu de temps après le mariage - laisse deviner un tempérament passionné et un caractère difficile.

Le suite ne manque pas d'intérêt. Bullock narre la jeunesse chaotique d'un cancre qui devint chancelier du Reich.

Bien cordialement,
Francis.