L'introduction - La Suisse, paradis de l'enfer ? - forum "Livres de guerre"
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La description du livre

La Suisse, paradis de l'enfer ? / Fabienne Regard

 

L'introduction de Christian Favre le jeudi 24 juillet 2008 à 07h44

La publication de notre thèse de doctorat s'effectue sept ans environ après sa soutenance. Nous avons longuement hésité pour différentes raisons:
- d'une part, perfectionniste, nous avons l'impression que nous pourrions toujours la compléter ou l'améliorer. Il était difficile de mettre un point final sans arriver à exprimer la complexité d'une réalité ou avoir admis l'impossibilité de le faire;
- d'autre part, elle date de 1995 et depuis cette époque, le thème a été surmédiatisé. En conséquence, depuis lors, de nombreux travaux historiques de qualité ont été entrepris et sont parus.
Paradoxalement, ces réticences ont constitué des arguments en faveur d'une édition. Consciente qu'aucune recherche n'est jamais achevée, nous estimons ne pouvoir passer à une deuxième étape qu'après avoir décidé de mettre fin à cette quête éternelle de perfection. En outre, les données analysées ont été recueillies avant les événements qui ont secoué non seulement la Suisse mais également le monde depuis le 7 mai 1995.
C'est sans doute la publication d'articles, de lettres de lecteurs et la réalisation d'émissions de télévision par certains journalistes en mal de sensations fortes et plus préoccupés de leur taux d'audimat que de vérité historique, qui ont le plus contribué à nous convaincre de la nécessité de rendre publics les résultats scientifiques d'une étude menée en toute quiétude entre les années 1985 et 1995. Cette insistance sur les dates précises n'est pas le fruit d'une obsession d'historienne mais la conscience que les conditions de réalisation de l'enquête influencent la reconstitution de souvenirs ainsi que l'attitude de l'interviewer, en histoire orale a fortiori.
Indéniablement, dans la mémoire collective suisse, il y aura un avant et un après 1995, même si on ne connaît pas encore les conséquences identitaires de la destruction des mythes autour de l'attitude de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Affolée par le simplisme ambiant et le peu de respect accordé aux victimes de la Shoah, nous espérons que la publication de l'analyse de leurs souvenirs contribuera à leur rendre ce qui leur est dû, au minimum: l'écoute. En d'autres termes, c'est une manière de refuser que, selon l'expression d'Elie Wiesel, le meurtre collectif d'un peuple se poursuive par celui de sa mémoire collective.
Lorsque nous lions les concepts de recherche de vérité et de respect de la personne, nous nous inscrivons dans la perspective classique de l'Histoire.
Selon nous, victimiser des individus, à qui l'on dicterait des souvenirs pour illustrer telle ou telle interprétation, revient a leur ôter leur véritable statut de victimes de la Shoah.
A de multiples reprises, les témoins nous ont demandé quand notre livre serait publié. C'est aussi pour eux que nous tenons à ce que cet ouvrage paraisse, pour que l'analyse de leurs souvenirs soit rendue publique et que les lecteurs aient accès à leur version et leur vision du monde. Chacun nous a reçues avec chaleur et a accepté de nous transmettre en tant que «faux enfant» une partie de son histoire de vie. Sur un plan éthique, cela implique que nous nous montrions digne de leur confiance et remplissions ce rôle de «maillon» entre les générations, même s'il s'agit d'une analyse des témoignages et non leur retranscription brute. Sans doute, le regret de ne pas avoir procédé à une opération semblable dans notre famille proche et en particulier auprès de notre grand-mère Olga (que j'ai laissée partir sans essayer de l'interviewer) constitue un argument supplémentaire pour éditer cette recherche.
En outre, il sera désormais impossible d'avoir accès aux mémoires collectives de l'avant-déclaration de Kaspar Villiger. Les témoins actuels ne peuvent éviter l'influence des controverses sur leur point de vue. A ce titre, les données recueillies avant le 7 mai ont une valeur inestimable et unique. Toute mesure gardée, nous aurions souhaité qu'il y ait eu des recherches menées en 1943 sur ce qu'on savait réellement de la «Solution finale». Il est maintenant difficile de se souvenir exactement à quel moment on a appris l'ampleur et la signification réelle de la Shoah. De même, les témoignages de protagonistes en 1942, 1943 sont précieux car ils nous permettent de récupérer les visions du monde avant de connaître la fin de l'histoire, c'est-à-dire l'issue de la guerre.
En ce sens, notre recherche constitue une source historiographique, achevée deux jours avant le début de la «guerre des mémoires». Pour cette raison, nous avons décidé de limiter nos corrections et nos mises à jour, malgré notre désir infini de perfection. Nous évoquons seulement les références exactes des travaux de qualité parus entre le 7 mai 1995 et la publication de ce livre. De même, dans le cadre du projet national Archimob (mis en place en 1997 et terminé à ce jour), nous avons eu la possibilité de réinterviewer une partie de nos témoins avec un matériel audiovisuel professionnel. Dans le cadre d'un travail pluridisciplinaire, nous avons enregistré plus de cinq cents témoignages de femmes, d'hommes et d'enfants ayant vécu en Suisse entre 1939 et 1945. Nous avons interrogé chaque témoin sur sa réaction face aux débats en cours et aux critiques virulentes émises à l'encontre de la politique helvétique vis-à-vis des réfugiés juifs. Comme pour les nouvelles données écrites, nous avons décidé de nous limiter à quelques indications d'évolution d'interprétation de nos réfugiés, en réaction à la surmédiatisation du thème. N'oublions pas que le souvenir n'est pas conservé mais toujours construit à partir du présent.
En résumé, cet ouvrage propose:
- une analyse qualitative d'interviews;
- une analyse des dossiers personnels d'archives concernant les réfugiés en question;
- une analyse des mémoires individuelles et collectives de réfugiés juifs entre 1985 et 1995;
- une présentation des différentes interprétations de protagonistes sur leur passage en Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale;
- le partage d'une merveilleuse aventure humaine: celle d'une recherche en histoire orale.
En revanche, cet ouvrage n'est pas:
- une analyse quantitative et statistique;
- une retranscription fidèle des témoignages intégraux;
- une récupération et une reconstitution de ce que fut la réalité destinées 1939 à 1945 en Suisse.

Il est possible que le lecteur soit surpris par le style mixte, à la fois oral et écrit, tvpique d'une oeuvre d'histoire orale. Lorsque c'est le cas, n'hésitez pas à lire à haute voix la phrase incriminée... vous entendrez l'écho du témoin et, espérons-nous, ressentirez le non-écrit de l'énonciation et l'interaction communicative. La prochaine étape de notre travail d'oraliste sera de réaliser un documentaire à partir des enregistrements audiovisuels professionnels qui permettront de saisir la dimension interactive et humaine. L'analyse prendra en considération le non-verbal et surtout le transfert d'informations échappant à une retranscription.
Le souci de clarification des implications réciproques - témoin, historienne - nous a conduit à consacrer un chapitre entier à essayer de retracer d'une manière aussi fidèle que possible le cheminement de lute, les recherches méthodologiques ayant déterminé les résultats obtenus. Voyages d'interviews autofinancés, absence de pression politique aucune limite temporelle (étude menée sur dix ans), enfin le peu d'intérêt suscité par le thème à l'époque et une mémoire cristallisée grâce au faible nombre d'éléments historiographiques nouveaux entre 1985 et 1995, ont constitué des conditions favorables à un travail de réflexion effectué en toute quiétude. A aucun moment, pendant cette étude, nous n'avons essuyé de refus de témoigner suscité par la peur de dire quelque chose de répréhensible ou de politiquement incorrect. Nous invitons notre lecteur, tout d'abord, à partager l'envers du décor, c'est-à-dire le voyage au pays de la recherche en histoire orale, 1a quête insatiable de nouveaux témoignages et le bonheur de ces rencontres entre générations.
Enfin, dans un deuxième temps, les résultats de l'analyse des interviews sont présentés selon un ordre thématique: l'arrivée en Suisse (l'accueil), 1a vie en camp, les relations humaines (entre réfugiés, avec l'encadrement), le choc culturel (relations avec la population), l'îlot entre espoirs et désespoirs (relations avec l'extérieur), les regards portés sur cet épisode et enfin l'impression générale (typologie). Un chapitre très condensé les précède dont nous aimerions nous excuser par avance auprès de vous, cher lecteur; en effet, il est destiné non seulement à vous faire visiter les coulisses de notre recherche mais aussi, nous l'avouons, à vous présenter les dessous de l'enquête oraliste, les débats méthodologiques et épistémologiques.
Les amateurs de détails peuvent disposer des quelque 800 notes complémentaires en s'adressant à l'éditeur.

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 bidouillé par Jacques Ghémard le 1 1 1970  Hébergé par PHP-Net PHP-Net  Temps entre début et fin du script : 0.01 s  5 requêtes