Bonsoir,
Nous pourrions penser que la bureaucratie étant ce qu'elle est, les Juifs poursuivis après la Libération le furent par routine administrative. Pas toujours ! En témoigne, le courrier adressé en octobre 1944 par un administrateur-séquestre du CGQJ au Procureur de Lyon:
*** Mon attention a été attirée par nombre de mes visiteurs sur la situation très délicate qui leur est actuellement faite.
Comme vous les savez, bon nombre d'Israélites ont été obligés, pour échapper aux atteintes de la Gestapo, c-à-d à la déportation et même à la fusillade, de se constituer une identité entièrement fausse. Tous n'ont pas encore eu le temps ou la possibilité, de par l'éloignement de leur domicile ou de l'endroit où sont leurs véritables pièces d'état civil, de reconstituer leur véritable identité et de posséder les documents qui en témoignent. Or, certains d'entre eux m'informent qu'ils sont actuellement poursuivis et on me signale même un cas d'incarcération à cause de la possession de fausses pièces, possession qu'ils reconnaissent et signalent eux-mêmes, d'ailleurs, lors des contrôles d'identité.
Je suis absolument certain que vous estimerez sans aucun doute comme moi qu'il y a de la part de ceux qui engagent les poursuites, un excès de zèle et que le temps nécessaire doit être donné aux Israélites pour se mettre en règle.
Convaincu que vous voudrez bien donner des indications au personnel placé sous vos ordres je vous prie (...) ***
Remarquons la fermeté du ton de ce courrier officiel et le "sans aucun doute comme moi" souligné par l'administrateur.
Excès de zèle de l'administration ? Un autre exemple où la Justice prend en compte l'abrogation des lois antisémites mais retient d'autres chefs d'inculpation.
En octobre 1944, le tribunal de Grenoble condamne un homme, contrôlé en mai 1944 par la gendarmerie qui dresse procès-verbal pour infraction à l'arrêté préfectoral interdisant le séjour des Juifs à Villard-de-Lans et pour défaut de visa de départ et d'arrivée. Le tribunal ne retiendra pas l'arrêté préfectoral mais infligera une amende de 200 francs pour le défaut de visa.
Bien cordialement,
Francis.