Le rapport d'Abetz du 8 octobre 1940 - Montoire - forum "Livres de guerre"
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Edition du 21 avril 2012 à 18h48

Montoire / François Delpla

 

Le rapport d'Abetz du 8 octobre 1940 de Francis Deleu le lundi 17 mars 2008 à 20h21

Avec l'aimable autorisation de François Delpla, le rapport d'Otto Abetz publié en annexe 1, pages 425 et suivantes, du livre "Montoire", éditions Albin Michel, 1996
****************

Rapport d'Otto Abetz (8 octobre 1940)

Après le remaniement du Cabinet, le Gouvernement Français porte une attention particulière aux problèmes suivants :

I. - La lutte contre les adversaires politiques intérieurs.
II. - Les difficultés économiques.
III. - Les problèmes de politique extérieure soulevés par l'attaque anglaise contre l'Afrique Occidentale Française.

1. - La situation politique intérieure.

Le remaniement du Cabinet a donné au Gouvernement Français une plus grande uniformité et peut être considéré, du côté allemand, comme heureux, exception faite de la retraite de Marquet.

Il ressort des entretiens avec les membres du Cabinet et des renseignements reçus par des informateurs, qu'à l'heure actuelle, le gouvernement français a adopté, à une forte majorité, une attitude anti-parlementaire, anglophobe et antisémite. Quelques ministres, tels que Alibert, Baudouin et Bouthillier font preuve de sympathie envers l'idée d'une restauration ultérieure des Bourbons. Dans la question franco-allemande, la thèse de Laval l'a emporté, thèse disant que la défaite de la France était inévitable et que la seule politique extérieure française possible était la collaboration avec l'Allemagne, même si les conditions de paix fixées par le Reich devaient être très dures. En consé­quence, la lutte contre la propagande en faveur de De Gaulle, propagande qui s'accroît fortement en France occupée et non occupée, correspond à la convic­tion intime de la majorité du Gouvernement français.

Laval espère obtenir, par les procès appelés devant la Cour de Justice de Riom, du matériel de propagande efficace contre l'Angleterre, du fait que les accusés, en première ligne Daladier, seront forcés, en vue de se disculper, de faire des révélations sur les intrigues anglaises et des engagements non observés.

De grandes inquiétudes sont créées au Gouvernement français par l'exécutif étant donné que presque tous les fonctionnaires qui occupent des postes dirigeants et un grand nombre de fonctionnaires subalternes, appartenant en particulier au Quai d'Orsay et au Ministère de l'Intérieur, ne participent qu'extérieurement à la nouvelle tendance, s'ils ne la sabotent pas ouvertement.

L'épreuve de force du Gouvernement sera fournie par l'exécution de ses décrets pris contre le Syndicat marxiste de la C.G. T ., les Sociétés par actions, le Comité des Forges, les loges maçonnique et les ordonnances, en voie de préparation, contre les Juifs et les Assemblées locales.
Le Ministre de l'Intérieur, Peyrouton, m'informa qu'il envisageait la dissolution des Conseils municipaux, des Conseils Généraux et des Conseils d'arrondissement et qu'il se proposait d'interdire comme première mesure contre les Juifs, leur maintien à des postes d'Etat dirigeants, leur activité dans la presse, la radio, le cinéma, le théâtre et l'exercice des professions libérales, dépassant le pourcentage des Juifs par rapport au total de la population. A cet effet, sera considéré comme juif, toute personne ayant plus de deux aïeux juifs, tout comme en Allemagne.
Dans cette action politique intérieure, le Gouvernement Français trouve l'appui le plus large auprès de l'Armée et du Clergé dont la majorité s'oppose cependant à la politique de collaboration franco-allemande, à laquelle tend le gouvernement, et conseille d'adopter une nette attitude d'attentisme.

Inversement, certains éléments de l'opposition, tels que Déat, Flandin. Doriot, Marquet et Faure, ne sont les adversaires du Gouvernement qu'en matière de politique intérieure, alors qu'ils approuvent son programme de politique extérieure.

Le point le plus faible du Gouvernement Français réside dans l'absence d'une liaison organisée avec les grandes masses populaires, liaison qui pourrait remplacer les relations personnelles que les Députés avaient établies en France avec les électeurs de leur circonscription. En conséquence, il faut attribuer une très grande importance à l'organisation des représentations professionnelles et à leurs relations avec le Gouvernement, parce qu'elles seraient à l'origine de l'indifférence, la réserve ou l'opposition que le peuple pourrait manifester plus tard à l'égard du Gouvernement.

II. - La situation économique

L'introduction du rationnement des vivres dont les attributions sont nette­ment insuffisantes, et le chômage qui s'étend de plus en plus, ont pour nous des conséquences très préjudiciables, en ce qui concerne l'état d'esprit, du fait que le manque de vivres et de matières premières est exclusivement imputé aux réquisitions opérées par les autorités d'occupation allemandes.
Les membres du Gouvernement français qui peuvent être considérés comme véritables défenseurs d'une politique de réalisation à l'égard de l'Allemagne, souffrent également de ce recul de l'opinion.

En conséquence, j'ai donné des instructions aux services militaires chargés de la radio, de la presse et de la propagande en France occupée, de faire ressortir encore davantage que jusqu'ici, le contraste franco-anglais et la res­ponsabilité de l'Angleterre relative à la situation économique actuelle en France.

Une grande importance d'ordre psychologique aussi bien que pratique doit être attribuée à l'application, à bref délai, de plus grandes facilités à la ligne de démarcation pour le trafic postal et celui des personnes et des marchandises, car autrement un écroulement économique total deviendrait inévitable. Les moyens de pression nécessaires sur le Gouvernement français pourront être trouvés dans d'autres domaines, notamment en tenant en éveil, de façon systé­matique, une opposition politique intérieure.
Le Ministre du Travail Belin et le Ministre des Finances Bouthillier m'assu­rèrent, à plusieurs reprises, au cours de conversations, que le Gouvernement Français était parfaitement conscient de ce qu'il représentait une nation vain­cue qui devait s'attendre, de la part du vainqueur, aux plus grandes exigences d'ordre économique et financier. L'industrie française, tant de la zone occupée que de la zone non occupée, serait disposée à exécuter des commandes alle­mandes même de produits servant directement à la conduite de la guerre allemande, à la seule condition que les matières premières et les moyens de transport nécessaires soient mis à sa disposition.
Les milieux du Gouvernement et de la production française font également preuve de compréhension sur le fait que les centres de l'industrie lourde fran­çaise qui pourraient produire, un jour, du matériel de guerre contre l'Allema­gne, que les usines chimiques françaises qui utilisent, en partie, des inventions allemandes ravies par le traité de Versailles et que d'autres branches d'industrie qui font concurrence à d'importantes places de production allemandes, seront détruits par la puissance victorieuse ou fortement limités dans leur capacité de production.

Il serait, cependant, nécessaire, ne serait-ce que pour des motifs de propa­gande d'offrir ou au moins de promettre aux Français des compensations dans d'autres branches de production qui appartiennent en propre, depuis toujours, à leur pays, comme par exemple, de favoriser du point de vue commercial la viticulture, la mode et l'industrie de luxe.
Si l'on ne donne pas aux masses des chômeurs qui augmentent de jour en jour par suite de la réquisition des matières premières et des machines, l'espoir d'une occupation ultérieure dans d'autres branches de l'industrie, ils échoueront sans exception dans le communisme. Les mesures qu'a prises l'Etat en vue de procurer du travail sont insuffisantes et mal conçues.

Le plan visant au retour à la terre des ouvriers des villes, plan élaboré par le Gouvernement du Maréchal Pétain, est très théorique et il faudrait des années pour qu'il obtienne un succès pratique. Du point de vue allemand, il n'est sans doute pas désirable que la France devienne, d'un coup, uniquement agricole, parce que, selon les traditions, le contrepoids naturel des tendances chauvinistes réside en France dans le prolétariat, et un retour à la terre, sans exception, du peuple français pourrait avoir pour résultat de fortifier notre voisin de l'Ouest du point de vue biologique.

III. - Plans de guerre du Gouvernement Français contre l'Angleterre

Le Gouvernement Français renouvelle, après Dakar, sa proposition d'entrer ouvertement en état de guerre contre l'Angleterre, aux côtés de l'Allemagne et de l'Italie, tout au moins dans les colonies africaines, ainsi que m'en ont fait part Laval, dès fin juillet, après l'incident d'Oran, et le Ministère des Affaires Etrangères, le 17 septembre. Par ces procédés, le Gouvernement Français espère :

1) Sauver ses plus importantes possessions africaines d'une mainmise anglaise et, le cas échéant, dans une phase ultérieure, également américaine :

2) Obtenir des conditions de paix plus favorables de la part des puissances de l'Axe qui demanderaient à la France, en raison de son assistance efficace par les armes, des cessions de territoires de moindre importance et qui pour­raient lui accorder certaines compensations, en lui abandonnant les territoires coloniaux anglais qu'elle aurait conquis :

3) Améliorer la situation alimentaire et l'approvisionnement en matières premières de la Métropole, étant donné qu'une partie plus importante des exportations des colonies profiterait à la population française :

4) Relever le moral - qui s'est abaissé après la grande défaite de l'été 1940 - du peuple et de la jeunesse française par des victoires par les armes sur l'Angleterre.

5) Créer un dérivatif aux difficultés de politique intérieure et la possibilité de lutter plus énergiquement contre les partisans de De Gaulle qui pourraient être considérés comme traîtres à leur patrie dans le cas où la France se trouve­rait ouvertement en état de guerre avec l'Angleterre.

L'entretien que le Maréchal Pétain a eu, le 22 septembre à Vichy, avec un ressortissant allemand, entretien sur lequel est joint un rapport, confirme ces tendances du Gouvernement Français, comme le font les conversations que j'ai eues à Paris pendant les journées de la lutte pour Dakar, avec le Ministre des Affaires Etrangères Baudoin, le Ministre de l'Intérieur Peyrouton et le Ministre du Travail Belin, ainsi que l'entretien que le maréchal von Brau­chitsch a accordé sur ma demande au général Huntziger à Fontainebleau. Des déclarations analogues ont été faites également par des personnalités dirigean­tes appartenant à des groupes politiques et des professions les plus divers de la France occupée et non occupée, ainsi que par des officiers de marine et aviateurs connus.

Il ne manque évidemment pas de voix et de rapports d'informateurs qui considèrent tant Oran que Dakar et l'anglophobie du Gouvernement Français, soulignés à cette occasion, comme une manœuvre concertée en vue d'obtenir du Reich l'autorisation tendant à un réarmement massif de la marine, de l'armée de l'air et de l'armée coloniale, réarmement dont disposerait le Gou­vernement Français contre le Reich dans le cas d'un changement de situation dans le conflit militaire sur le continent.

L'amitié intime qui lie l'amiral Darlan à l'amiral Musellier, condamné à mort, et celle liant Weygand à De Gaulle, les relations que le ministre Baudoin entretient avec l'ancien ambassadeur d'Angleterre en France et avec des per­sonnes qui touchent de près les Services secrets anglais et américains, le fait que seules des petites unités légères ont été endommagées à Oran alors que les gros croiseurs de bataille modernes Strasbourg et Dunkerque ne subirent aucun dommage, et non pour le moins, le libre passage à Gibraltar, des bâti­ments de guerre français, ont donné lieu à de telles suppositions.

La thèse de la sincérité du Gouvernement Français est défendue par le fait qu'il est forcé de reconnaître que dans le cas d'une paix de compromis entre l'Allemagne et l'Angleterre, les Français seuls en supporteraient les frais, et qu'une victoire de l'Angleterre sur l'Allemagne, même avec l'assistance ouverte des Etats-Unis, ne peut cependant plus être envisagée.

Laval et les ministres mentionnés ci-dessus m'ont demandé, après l'agression anglaise sur Dakar, de m'informer à Berlin s'il était possible d'obtenir une aide armée allemande, notamment par des avions, et de déterminer s'il existe des objections à ce que le Gouvernement Français adresse la même question, à Rome, par l'intermédiaire de membres du gouvernement italien que Laval connaît personnellement.

L'engagement d'unités allemandes ou italiennes aux côtés de formations françaises rendrait plus difficiles, sinon impossibles, les manoeuvres tendant à donner le change que pourraient entreprendre ces dernières formations, et permettrait aux puissances de l'Axe de donner suite, sans aucun risque, aux demandes présentées par la France aux Commissions d'Armistice de Wiesba­den et de Turin, demandes visant à obtenir le réarmement d'unités de la flotte, la libération de groupes de chasse supplémentaires et une liberté des mouvements militaires entre la métropole et les colonies africaines.

La condition préalable pour une action commune contre l'Angleterre en Afrique et une éventuelle déclaration de guerre officielle de la France à l'Angle­terre, serait l'établissement d'une convention, anticipant sur le traité de paix, au sujet de la répartition future des territoires coloniaux africains entre les puissances continentales.

La France s'attend à la perte de Tunis, mais elle se défendrait avec passion contre des cessions territoriales notables au Maroc. La rétrocession du Togo et du Cameroun lui semble évidente, et si on lui promettait, comme compen­sation pour des colonies qu'elle perdrait, une possession anglaise, comme le Nigeria, par exemple, elle pourrait sûrement être gagnée à une action com­mune avec l'Allemagne et l'Italie.

Si des pourparlers devaient être engagés sur cette question, il serait recom­mandable de ménager entre le Maréchal Pétain et le Führer une entrevue pour laquelle Pétain m'a fait demander à nouveau il y a quelques jours de m'entremettre.
Signé: ABETZ.

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