Bonsoir,

Hasard du calendrier ? En octobre dernier paraissaient presque simultanément (dans leur traduction française) deux autobiographies, celle de Günter Grass et celle de Joachim Fest. Allemands tous les deux, respectivement né en 1927 et en 1928, ils ont en commun d'avoir grandi sous la bannière nazie avant de découvrir les horreurs de la guerre et l'effondrement du IIIe Reich.

Günter Grass recula jusqu'à l'an dernier l'aveu de son appartenance à la Waffen SS. On peut comprendre ce silence de l'écrivain qui n'a jamais cessé de reprocher à ses contemporains leur refus de reconnaître leur culpabilité collective.
L'historien Jean-Luc Leleu, auteur du remarquable ouvrage "La Waffen SS - Soldats politiques en guerre", invité de marque lors d'un débat sur le forum "Le Monde en guerre" [*]remarquait :

Si je peux me permettre, les remarques ici formulées sur les généraux de la Wehrmacht tendent à montrer à quel point se fait sentir en France l'absence de traduction des travaux des historiens allemands (Klaus Jürgen Mueller, Wolfram Wette). Ceux-ci ont en réalité parfaitement démontré l'adhésion d'une grande partie de l'Armée allemande à l'idéologie nationale-socialiste.

Je pense que Jean-Luc Leleu n'aurait probablement pas démenti si nous avions ajouté : et l'adhésion d'une grande partie de la nation allemande.
Un contributeur notait que Günter Grass s'était engagé dans les Waffen SS "pour avoir une meilleure ration alimentaire et un équipement plus performant que les autres unités. On est loin d'un soldat politique il ne devait pas être le seul.".
L'écrivain est issu d'une modeste famille de Dantzig. Sa mère tenait une modeste boutique tandis que son père était représentant de commerce, membre du parti depuis 1936. Le jeune Günter fut élevé dans une famille et une ville séduite par la nazisme. Il nourrira une véritable vénération pour les "héros" qui restauraient la grandeur de l'Allemagne. A 15 ans, il voulut s'engager mais fut refusé en raison de son jeune âge. Versé dans le Service du Travail, il sera finalement engagé comme "fantassin porté" dans les blindés, sous l'uniforme de la Waffen SS. Günter Grass, soldat à 16 ans, découvre les horreurs de la guerre, la mort, la terreur, la débâcle et finalement les camps de prisonniers. Au camp de prisonniers, il passe son temps à jouer aux dés et à discuter de Dieu avec son copain Joseph. Joseph ? ... connus aujourd'hui comme le pape Benoît XVI. Etonnant destin !

Autre destin que celui de Joachim Fest, journaliste, historien du nazisme et biographe de Speer ! Son père, professeur de collège à Berlin, est révoqué dès 1933 par les nazis. Catholique convaincu, il élève ses enfants dans une opposition intransigeante au régime nazi ainsi qu'à l'antisémitisme. Il leur fit même écrire, tout enfant, pour qu'ils s'en souviennent à jamais, les mots tirés du récit de l'agonie du Christ "Etiam si omnes - ego non !" (Même si tous - pas moi !). Joachim Fest sera lui-aussi, à 15 ans, entraîné dans la guerre. Il y perdra son frère et de nombreux amis.

Deux destins !

Bien cordialement,
Francis.

[*] Saluons nos collègues du forum "Le Monde en guerre" qui ont organisé un débat avec l'historien Jean-Luc Leleu comme invité d'honneur : La Waffen SS - Soldats politiques en guerre

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Günter Grass, Pelures d'oignon, Le Seuil, octobre 2007.
Joachim Fest, Pas moi, éditions du Rocher, octobre 2007.