Au milieu des années 1990, l'affaire des fonds en déshérence a déclenché un phénomène très sain mais trop rare en Suisse : une plongée dans son histoire récente et une (auto)critique "collective". Au final, la bibliographie sur la période 1933-1948 a littéralement explosé en moins de 15 ans.
Poussés par les interrogations inquiètes de rescapés de la Shoah, de citoyens lambdas et de politiques conscients du besoin d'une Histoire exposée sans réserve, les chambres fédérales, l'Etat, l'Université et les médias n'ont plus pu conserver leur secret (parfois de polichinelle) : le comportement de la Suisse officielle, de ses banques et de ses élites politiques et économiques entre 1933 et 1945. On pourrait même remonter jusqu'à la prise du pouvoir par Mussolini en 1922, un événement bien perçu des milieux conservateurs helvétiques qui y virent un rempart contre le socialisme. Le duce a été fait docteur honoris causa par l'Université de Lausanne en 1937.
Ce sont les petits-enfants de celles et ceux "de la Mob'(ilisation)" qui ont enfin soulevé le lourd couvercle de plomb posé sur le pays par les défenseurs de l'histoire et de la mémoire officielles à des fins d'édification des nouveaux citoyens. Dans le primaire et une partie du secondaire, les cours d'introduction à l'histoire suisse durant la WW2 se résumaient à la répétition hagiographique du rôle de Guisan. Je m'en souviens encore.
Depuis 15 ans, des historiens, mais aussi des documentaristes, des journalistes et des romanciers ont empoigné ce passé non dit. Cette vaste entreprise de mise en histoire des années noires en Suisse a eu pour conséquence éditoriale l'émergence de nouvelles collections et la création de maisons d'édition boostées par les travaux de jeunes chercheurs décomplexés.
Depuis quelques semaines, les principaux titres publiés en français sur la Suisse des années 30 (problèmes sociaux, montées des totalitarismes, etc) et durant la WW2 sont disponibles grâce à un distributeur regroupant plusieurs éditeurs spécialisés : Delibreo diffusion
RC