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La Belgique en particulier et le monde de l'édition en général commémorent le centenaire de la naissance du père du commissaire Maigret. L'immense romancier entre dans la prestigieuse collection "La Pléiade" de chez Gallimard qui publiera (en mai prochain) en deux volumes, une sélection 21 ouvrages de Simenon. Reste à savoir s'il est vraiment agréable de découvrir ou redécouvrir le commissaire Maigret sur papier "Bible". On pourra toujours se tourner vers la collection "Omnibus" qui elle publie "Tout Simenon" en 25 gros volumes.
Georges Simenon comme beaucoup d'écrivains et intellectuels se laissa tenter par l'Ordre Nouveau. Encore jeune mais déjà brillant journaliste, il publiait, en 1921, dans "La Gazette de Liège", des articles puant d'antisémitisme dans une série d'articles dénommée "Le Péril juif". Simenon a toujours soutenu qu'il avait été contraint de répondre à une commande. *** Ces articles ne reflètent nullement ma pensée d'alors ni d'aujourd'hui *** a-t-il souvent répété, se défendant d'être antisémite. Faut-il le croire? Le journaliste n'hésitait jamais à tremper sa plume dans le vitriol avec pour cibles privilégiées les syndicats, les communistes, les socialistes et tous ceux que l'Ordre Nouveau vouait aux gémonies.
Sous l'Occupation allemande, il n'hésita pas à céder à la firme cinématographique "Continental" l'exclusivité de Maigret. Les Allemands s'intéressaient à l'oeuvre de Simenon et ce dernier éprouvait de cruels besoins d'argent en ces périodes de vaches maigres. Simenon sera l'écrivain francophone le plus adapté sous l'Occupation - neuf films en quatre ans - un record qu'il regrettera lorsque viendra l'heure des comptes. Nous le savons, Simenon préféra s'exiler aux Etats-Unis avant d'être convoqué devant ses juges.
Un fait anecdotique mais révélateur de l'état d'esprit de cette époque! En août 1944, son frère, dans les rangs d'un commando rexiste, participe à une expédition de représailles dans la région de Charleroi qui se solde par l'assassinat de 27 civils. Condamné à mort par contumace, Christian Simenon se réfugie chez son frère installé à Paris. Georges Simenon le pousse à s'engager dans la Légion étrangère. Il y mourra au combat, en Indochine.
Dans une lettre à André Gide, Georges Simenon s'interroge sur les crimes de son frère: *** Il a payé cher, courageusement, une faute vénielle, alors que les responsables se sont échappés *** Une faute vénielle??
"Comprendre et ne pas juger" était la devise choisie par Simenon. La formule éclaire nombre de ses livres noirs. Ne pas juger?
Saluons cependant l'immense romancier! Tentons aussi de comprendre cette terrible époque où tant de talent se sont dévoyés ou égarés. Jugeons enfin en notre âme et conscience car l'histoire est un éternel recommencement.
Bien cordialement,
Francis. |