Pour être tout à fait explicite, l'abandon des valeurs républicaines par Papon, ce personnage emblématique de la haute fonction publique française sous Vichy, ne laisse pas de renvoyer au fait qu'il a sévi précisément dans la ville où s'est opéré le rejet de ces mêmes valeurs, Bordeaux. Et la claire déchéance morale qui caractérise son activité singulière de 1942 à 1944 se déduit déjà de manière des événements de portée historique survenus en juin 1940 dans la capitale de l'Aquitaine, et des comportements de leurs protagonistes, au premier rang desquels Pétain.(...)
Ainsi, il aura suffi de ces trois étonnantes journées bordelaises, les 15, 16 et 17 juin 1940, les "Trois Honteuses", pour mettre à mort la République, comme il avait suffi en juillet 1830 des "Trois Glorieuses" pour abattre définitivement la monarchie absolue. Curieusement, c'est le même Paul Reynaud qui est à la foix l'auteur en 1927 d'un ouvrage sur "Les Trois Glorieuses" de 1830, et le héros malheureux de ces "Trois Honteuses" de 1940.(...)
Si Vichy est un passé qui ne lasse pas, c'est qu'il continue d'interpeller la conscience nationale par l'ampleur inégalée de la catastrophe militaire, politique et surtout morale qu'il recouvre.(...)
Et c'est à juste titre que, malgré les progrès de la mémoire savante, encore aujourd'hui prédomine souvent le sentiment que toute la clarté n'a pas été faite sur certaines pages de ce dérageant passé. Surtout eu égard aux reconstructions amnésiantes et fallacieuses d'antécédents peu avouables.
(...)
A Bordeaux, lors de ces "Trois Honteuses", le mot d'ordre souterrain de tous les factieux fut bien : "A mort la Gueuse !".

Ces passages sont extraits de l'introduction percutante à l'essai de Gérard Boulanger, A mort la Gueuse !, chez Calmann-Lévy. On sent la puissance de ce bâtonnier-historien qui représenta certaines parties civiles au cours du procès Papon dont l'interminable instruction dit bien les réticences des politiques et des hauts magistrats à revenir publiquement sur cette période de l'histoire contemporaine.
J'espère déposer bientôt ce livre.

RC