Un compte-rendu - La province n'est plus la province - forum "Livres de guerre"
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La description du livre

La province n'est plus la province / Alain Clavien, Hervé Gullotti et Pierre Marti

 

Un compte-rendu de René CLAUDE le vendredi 11 mars 2005 à 11h39

Le site CH-Forschung recensait en 2002 l'essai La province n'est plus la province en y intégrant des remarques d'Alain Clavien, un des trois chercheurs qui ont signé cette étude passionnante (extraits) :

Pour mettre en lumière les particularités de la période de guerre, les auteurs ont posé les bornes temporelles de leur étude à 1935 et 1950. On peut ainsi suivre l’évolution des contacts entre les lettrés suisses et français dans les années qui précèdent et qui suivent le conflit: à travers la presse, en particulier le Journal de Genève et la Gazette de Lausanne, où écrivent de nombreux auteurs français, poursuivant une tradition initiée avant la guerre mais qui se développe avec elle; à travers l’édition; à travers aussi le développement des institutions suisses (la naissance de Pro Helvetia entre autres) et françaises qui favorisent l’échange des idées et des textes entre les deux pays. Mais surtout à travers le destin des hommes engagés dans cette période douloureuse et qui prennent des positions très diverses. Car si, insiste Alain Clavien, «ce livre n’est ni une histoire des intellectuels pendant la guerre, ni celle de leurs prises de position politiques», celles-ci apparaissent tout au long du livre: l’Occupation, la Révolution nationale, Vichy ne laissent personne indifférent dans les milieux intellectuels romands et français. Au fil des pages, il apparaît clairement qu’être intellectuel dans ces temps de guerre, c’est aussi, justement, prendre position.

Traits, Le Mois Suisse: Deux visages de la Suisse romande
Après la guerre, on a construit l’image d’une Suisse devenue refuge de la libre pensée. Alain Clavien la nuance pourtant: «Croire que les auteurs français publiaient en Suisse tout ce qu’ils ne pouvaient pas publier en France est exagéré. Les livres publiés dans ce pays devaient aussi passer devant la censure et, puisque les projets éditoriaux visaient souvent le marché français, ils devaient aussi subir la censure française.» La censure suisse, reconnaît Alain Clavien, n’était pas toujours très ferme et «dépendait beaucoup des censeurs», mais la Suisse n’a pas été ce pur havre de la libre pensée. Parallèlement aux poèmes résistants publiés par quelques revues, de nombreux «zélateurs de Vichy», tel Edmond Jaloux, ont pu publier leurs textes et répandre leurs idées en Suisse pendant toute la durée de la guerre.
La diversité des attitudes des intellectuels romands eux-mêmes apparaît dans l’analyse des revues publiées pendant la guerre. Malgré la censure, destinée à ne s’attirer les foudres d’aucun des belligérants, des revues très engagées prennent naissance. L’exemple du Mois Suisse et de Traits, placés aux deux extrémités du spectre, est significatif. De 1939 à 1945, même s’il est peu lu en Suisse dès 1942, le premier défend clairement l’Ordre nouveau, en affichant son soutien à l’Allemagne nazie et à l’Italie fasciste qui le financent d’ailleurs. A l’opposé, la revue Traits ne cache pas son refus des deux dictatures, du régime de Vichy et sa défiance envers la politique du Conseil fédéral.
Entre ces deux prises de position radicales, c’est, selon l’expression de Francis Python qui préface l’ouvrage, «tout un marais ondoyant et opportuniste» que l’on peut observer en Suisse romande. Il apparaît souvent que les positions et les groupes de sympathie qui se forment à travers la frontière franco-suisse reposent sur des relations établies entre intellectuels français et suisses dans l’avant-guerre déjà. Des sympathies qui, comme on peut le voir dans le Journal de Genève, reposent selon Alain Clavien sur «certaines homologies sociales». Les bourgeois libéraux du Journal de Genève ouvrent ainsi leurs colonnes à leurs pairs français qui ne sont pas à proprement parler des résistants.
«Le Journal de Genève et la Gazette de Lausanne, note encore Alain Clavien, étaient pétainistes jusqu’en 1942». Par la suite, avec la montée en puissance de de Gaulle, les deux journaux, opportunistes et toujours sensibles à leurs intérêts économiques, changeront quelque peu leur position. Mais certains de leurs collaborateurs, à l’image de Paul Gentizon, correspondant de la Gazette de Lausanne à Rome, donnent pendant toute la guerre des contributions au Mois Suisse, dans lesquels ils ne cachent pas leurs sympathies pour l’Europe nouvelle. Des prises de position qui ne dérangent guerre la rédaction qui les emploie.

Conséquences après la guerre
Lorsque la guerre se termine, en France, le tri se fait rapidement entre résistants et collaborateurs. Certains Suisses de Paris, en particulier ceux regroupés autour de Georges Oltramare, sont condamnés à mort par contumace. Georges Oltramare avait animé de 1941 à 1944 l’émission «Au rythme du temps» sur Radio-Paris: un «cabaret antisémite». Comme plusieurs de ses camarades, il échappera à la mort en se réfugiant en Suisse. De nombreux collaborateurs français trouveront aussi un refuge confortable dans notre pays. Certains Suisses de Paris fuiront vers l’Argentine.
En Suisse, l’opinion dominante ne se sentira guère concernée par l’épuration. Rapidement, l’image d’une Suisse qui aurait d’un seul tenant défendu la cause de la liberté contre la dictature commencera à se construire. En janvier 1947, Olivier Reverdin se fait le porte-parole de l’attitude de la bourgeoisie suisse et du Journal de Genève dans le journal même: «Les Suisses peuvent être fiers de ceux qui ont dirigé leurs destinées pendant la guerre. Aucun n’a démérité. Ceux qui prétendent le contraire sont soit des égarés soit de grossiers imposteurs. Ils se recrutent principalement dans le Parti du travail.» Silence donc sur les compromissions et guerre contre le péril rouge.
Les Français, eux, n’oublieront pas de sitôt le rôle ambigu joué par la Suisse. Un rôle qui aura des conséquences directes sur le monde culturel romand après la guerre. Les liens qui se sont développés se tarissent vite et la Suisse romande ne tarde pas à redevenir une province culturelle. «Ceux qui avaient, en Suisse, joué le mauvais cheval pendant la guerre, remarque Alain Clavien, n’en subiront pas l’effet. Mais ceux qui avaient joué le bon n’en connaîtront pas les avantages.» A l’exception des personnalistes qui garderont leurs contacts à Paris. Parmi eux, Albert Béguin, qui succédera en 1950 à Emmanuel Mounier à la tête de la Revue Esprit.
Le pétainisme d’une grande partie de l’opinion bourgeoise et des titres et revues qui la véhiculaient pendant la guerre, le refus d’un examen de conscience à la fin du conflit, la politique de replis qui se développe dans le pays empêcheront, concluent les auteurs, la poursuite du rapprochement culturel franco-suisse après la guerre. «Il faudra, poursuivent-ils, attendre les années 60 pour que les échanges se fassent à nouveau plus fluides.»
Au final, Alain Clavien, Hervé Gullotti et Pierre Marti dressent un portrait tout en nuance de cette époque culturelle romande aussi prolifique qu’ambiguë. «Nous essayons de montrer, explique Alain Clavien, qu’il y avait des lourdeurs sociologiques, mais qui n’étaient pas pour autant des déterminismes. Certains sont arrivés à sortir de la vision convenue, à l’image d’Albert Béguin, et ils n’en sont que plus admirables.»


On constate que la Révolution nationale a séduit une partie des élites intellectuelles romandes. En Romandie aussi, Pétain au pouvoir fut vécu par certains écrivains et philosophes comme une "divine surprise". Depuis les années 20, l'Action française et le fascisme italien avaient fait des adeptes dans les villes où la bourgeoisie redoutait l'agitation communiste, une crainte amplifiée par les partis d'extrême droite. Dès l'été 40, comme le souligne l'article, des quotidiens importants furent les haut-parleurs des thèses de la propagande vichyste.

Bien cordialement,

RC

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