Bonjour,
La citation de J.-P. Vernant que j'ai empruntée au livre de Henri Weill me paraissait nécessaire car, bien au-delà de la table ronde de "Libération" sur Raymond Aubrac, émanant d'un historien lui-même résistant, elle relativise la prétention scientifique de certaines thèses construites sur la croyance - quel autre terme employer ici ? - que l'écrit administratif (rapports, mémos, notes de services etc. ) est indépassable et que l'archive est indiscutable. Cette croyance impliquerait que le préfet, l'inspecteur, l'agent des RG, le douanier en fonction sous l'occupation et Vichy furent de véritables "machines" parfaitement réglées et capables de retranscrire sans aucune intervention subjective ce qu'ils ont fait et vu.
Soyons sérieux !
Cela pour dire que les rapports du SD qui partirent pour Berlin furent écrits par des hommes encartés au NSDAP dont on sait qu'il fut un parti où régnèrent des luttes d'influences, des haines inexpiables, une corruption généralisée et où s'exprimèrent l'opportunisme et le mensonge. Dès lors, comment penser que les chefs de la police nazie en France aient pu ne pas être impliqués dans ces luttes pour le pouvoir et n'aient pas employé TOUT ce qu'ils obtenaient par la trahison, la torture et la délation pour se faire mousser auprès de Kaltenbrunner et Himmler... ?
Derrière tout document, fut-il le plus "sec", le plus administratif, il y a un homme ou une femme qui est la somme socio-culturelle de toutes les influences de son milieu et de son époque; sans même prendre en compte les paramètres psychologiques individuelles plus profonds, à partir de cette réalité, il est impossible de croire en l'objectivité d'une source écrite ou orale.
L'Histoire est une science humaine, donc inexacte
et il ne faut pas confondre réalité d'une source et objectivité. Depuis des années, le concept d'objectivité n'est plus une valeur en vigueur chez les chercheurs conscients et journalistes compétents.
Bien cordialement,
RC |