Vichy! Un passé toujours présent ? - Drancy - forum "Livres de guerre"
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La description du livre

Drancy / Maurice Rajsfus

 

Vichy! Un passé toujours présent ? de Francis Deleu le lundi 14 juin 2004 à 19h37

Bonsoir,

Au lendemain d'un scrutin qui se déroula dans l'indifférence quasi-générale alors que l'Europe est censée être la garante de nos acquis démocratiques; surtout, au lendemain du scrutin dans le pays qui est le mien, qui couplait élections européennes et élections régionales et, où l'on voit, consterné, la nauséabonde tache brune s'étendre de scrutin en scrutin, il est utile et nécessaire de rappeler ce qu'écrivait Maurice Rajsfus en prologue de la réédition de son livre en 1996:

De 1941 à 1944, la France bien-pensante avait supporté l'existence du camp de Drancy, ainsi que de plusieurs dizaines d'autres lieux d'enfermement, en zone occupée mais également dans la zone dite "libre" de Vichy. A cette époque, il y avait l'excuse - évoquée bien tardivement - du régime Pétain/LavaI, au sud, et de la présence des Allemands, au nord, pour justifier cette apathie née de la peur. Que pouvaient bien valoir ces regrets exprimés, une fois l'ennemi héréditaire battu ?
La démocratie retrouvée, la France républicaine acceptera le massacre de Sétif, le 8 mai 1945, la répression à Madagascar, en 1947, la mise au pas des Vietnamiens, de 1946 à 1954, durant "notre" guerre d'Indochine. En 1946, les Français qui avaient découvert les horreurs des camps nazis, un an plus tôt, n'étaient pas particulièrement émus par le camp de la mort lente de Poulo-Condor, en Cochinchine, pas plus qu'ils ne seront bouleversés, quelques années plus tard, par la pratique généralisée de la torture, en Algérie, de 1954 à 1962.
A la Libération, nul n'évoquait l'ex-camp de Drancy, et le silence recouvrait la honte d'avoir accepté en silence. En 1946, il y a cinquante ans, deux à trois millions de "personnes dépla­cées" hantaient toujours les camps réouverts à leur intention à travers l'Europe libérée du nazisme, et les démocraties fer­maient pudiquement les yeux sur le sort de ces nouveaux parias.
Le temps a passé et la mémoire explose heureusement depuis quelques années, mais pour les tenants d'un nouvel ordre établi, le terrain est toujours libre pour les grandes manœuvres de l'exclusion. Il est donc devenu inadmissible d'évoquer certains aspects des années noires de l'Occupation, alors que l'idéologie sécuritaire s'est peu à peu imposée à nos contemporains. Les célébrations du cinquantenaire de la Libération de Paris, en août 1994, puis de la Victoire, en mai 1995, se sont dérou­lées dans une France satisfaite et totalement oublieuse de ce passé, pourtant célébré en fanfare. Il y a cinquante ans, les Français fêtaient surtout la défaite des "Boches", bien plus que celle du système hitlérien. Ce qui explique certaines atti­tudes ultérieures. Dans le même temps, les premiers trains transportant les rescapés des camps de la mort arrivaient à Paris. Au milieu de l'allégresse générale, à l'hôtel Lutetia, centre de regroupement des déportés rapatriés, nul ne se serait risqué à rappeler que ces voyageurs, retour de l'enfer, avaient été arrêtés par la police française, un an ou deux auparavant, puis livrés par ses soins à la Gestapo. Qu'importait. Au sein de la foule joyeuse qui envahissait les Champs-Élysées, le 8 mai 1945, les policiers, sans vergogne, arboraient fièrement leur fourragère rouge gagnée à la 25e heure, le 19 août 1944. Oubliées les missions ignobles, la traque aux enfants, aux femmes ou aux vieillards juifs, qui constituait une part non­ négligeable du "travail" d'une police subitement redevenue républicaine. Oublié le peuplement régulier du camp de Drancy par les soins de ces mêmes policiers. Oubliées les brutalités commises lors de la chasse aux communistes, aux gaullistes, aux francs-maçons et même aux petits trafiquants du marché noir ou aux avorteuses. Oubliés les meurtres, les tortures prati­quées dans les officines de la Gestapo, qui employaient bien plus de bons Français que de nazis allemands pour faire régner la terreur. Triomphants en 1942 et 1943, haineux jusqu'en août 1944, aux pires heures de la répression, les policiers bombaient le torse en ce jour de célébration de la victoire, où le soleil bril­lait sur ce Paris qu'ils avaient contribué à terroriser quatre longues années durant. En ce jour de gloire, aucun de ces poli­ciers n'aurait accepté d'entendre dire que cette liberté retrou­vée, ils avaient aidé à la confisquer - de 1940 à 1944 - au service de la Gestapo.
Plus d'un demi-siècle s'est écoulé, et même si nos institu­tions ont finalement admis une certaine responsabilité collec­tive des gardiens de l'ordre, au temps de l'Occupation. leur raideur actuelle envers les immigrés est révélatrice d'une constante volonté de rejet: hier contre les Juifs immigrés, de nos jours contre les étrangers plus bronzés qu'il n'est suppor­table pour une société qui recherche la solution de ses diffi­cultés dans l'exclusion des Africains et des Maghrébins, mais également des parias fuyant l'Est de cette Europe de plus en plus aseptisée. En mars 1991, quand paraissait la première édi­tion de ce livre, de lourdes menaces pesaient déjà dans une Europe récemment libérée du stalinisme; quarante-cinq ans après l'écrasement du totalitarisme nazi. Dans l'ex-Yougosla­vie, les tenants de l'épuration ethnique ouvraient des camps de concentration en 1992, et nous allions connaître le génocide au Rwanda, en 1994 ou en Tchétchénie en 1995 et 1996, qui n'intéressaient guère le "monde libre", engoncé dans son confort moral. En Allemagne, en France ou en Belgique, l'expulsion des immigrés se développait déjà sur une grande échelle.
Dans notre pays, au fil des années, se sont ouverts des centres de rétention administratifs - lieux de non-droit - et l'amendement du ministre socialiste de l'Intérieur, Philippe Marchand, précéda de peu les lois d'exclusion préparées, dès le printemps 1993 par Charles Pasqua. Répression. rampante à connotation xénophobe, applaudie dans les rangs de l'extrême droite.
Il est vrai qu'au pays des Droits de l'homme la convivialité cède peu à peu le pas au rejet et à la haine de l'étranger; comme au cours des années trente. Parallèlement, les héritiers de l'idéologie nazie ne font que gagner du terrain. (Particulière­ment dans les rangs des Forces de l'ordre.) Les cinquante pro­positions, sur les immigrés, énoncées par Bruno Megret au nom du Front national, en novembre 1991 sont en partie appliquées depuis l'été 1993.
Certes, estiment les optimistes, nous sommes toujours sur une terre de liberté et il ne peut être question de comparer les camps de concentration gérés par les SS (par la police et la gen­darmerie françaises, également) aux centres de rétention déjà en place dans les villes, les aéroports, les ports et les gares. Il faut relativiser, affirment les bonnes âmes, qui estiment que ces lieux ignobles, insalubres le plus souvent, ne peuvent être assi­milés à un camp de concentration comme celui de Drancy, jadis antichambre des camps d'extermination. C'est vrai. Pourtant, cette différence n'exclut en rien la volonté d'exclusion. Ce qui est encore plus préoccupant, c'est le silence de la France profonde, de ces citoyens qui admettent que l'on enferme, avant de les expulser, des hommes et des femmes venus d'ailleurs.
Il est pourtant mal venu de réagir. C'est ainsi qu'en sep­tembre 1994, le président de l' Association de solidarité avec les travailleurs immigrés (ASTI) d'Orléans, Jean-Pierre Perrin, était poursuivi en diffamation par Charles Pasqua pour avoir osé comparer le centre de rétention construit dans cette ville. aux camps d'internement du Loiret (Pithiviers et Beaune-Ia-Rolande), où l'on enfermait les Juifs immigrés, de 1941 à 1943. Ce militant des Droits de l'homme commentait sobrement sa mise en examen: "Le Centre de rétention d'Orléans n'est pas encore un camp mais ça commence à y ressembler! ", et il ajoutait: "Il ne faudrait pas que dans cinquante ans des ministres puissent nous dire: nous ne savions pas!" En effet ! Au travers des centres de rétention de la Ve République, c'est bien Drancy que l'on ressuscite sur une petite échelle. La mémoire fait défaut, non la commémoration, et le bon citoyen détourne les yeux, quand il n'affiche pas sa satisfaction. Bien évidemment, il n'est pas question d'affirmer que les deux époques sont semblables en tous points, ni de dire que les nouveaux parias sont exposés aux mêmes périls. Ce qui est en cause, c'est la volonté d'exclure, toujours vivace, et la froideur - voire la perversité - de fonctionnaires chargés d'appliquer des lois scélérates. Constamment améliorées au stade des guichets. Au nom de la démocratie cette fois...


Maurice Rajsfus, mars 1996.

A méditer!

Bien cordialement,
Francis.

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