Bonjour,
Tous les livres, films, discours et articles qui célèbrent le débarquement en Normandie parlent surtout des opérations sur Omaha et Ste Mère Eglise.
C'est vrai.
Sans Omaha-la-sanglante, pas de best seller de Cornelius Ryan ni de Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg.
Une opération de grand style qui réussit n'est pas intéressante, pas vendable pour un écrivain qui cherche le best-seller ou pour un producteur de films désireux d'obtenir un succès... ou plus modestement pour un auteur à la recherche d'un ressort dramatique infaillible pour son script.
C'est cynique ? Non, lucide.
Quand Darryl F. Zanuck décida d'adapter le récit de Cornelius Ryan Le jour le plus long (The Longest Day), c'était surtout pour se renflouer avec un hit international. Pour cela, il misa sur un supercasting et des scènes choc pour l'époque (début des années 60) parmi lesquelles Sainte-Mère l'Eglise et Omaha.
Le film coûta 12 millions de dollars (sur un devis initial de 8 millions), ce qui était énorme pour l'époque et c'est Zanuck - élu président de la Fox - qui débloqua les 4 millions qui manquaient, le directoire de la Fox ne voulant pas combler le trou. Dès lors, il fallait impérativement retomber sur ses pattes financièrment; il comptait donc beaucoup sur les séquences les plus dures qui devaient captiver le spectateur : la dispersion des paras sur la Normandie, l'arrivée dramatique de certains d'entre eux au milieu de Sainte-Mère l'Eglise éclairée comme en plein jour par un incendie et le sanglant cafouillage d'Omaha. Et ça fonctionna plutôt bien puisque la superprod' fut un succès planétaire.
Près de 40 ans plus loin, Spielberg misa lui aussi beaucoup sur les 20 premières minutes de son "Ryan" afin de "scotcher" le spectateur à son siège; ces séquences d'une violence jusqu'alors jamais reconstituée au cinéma firent le succès de "Ryan".
Tour de force technique, c'est aussi l'un des sommets de l'hyperréalisme américain à l'écran : on est dans la barge avec les gars de la première vague et chaque fois, on ressent un pincement juste avant le "Go !" des officiers devant Omaha.
(Je suis d'accord avec celles et ceux qui disent que seules ces minutes font le film; la longue suite est un produit hollywoodien très bien maîtrisé et de ce fait trop prévisible...)
Un cinéaste aussi subtil est aussi exigeant que Terence Malick a bien pigé le potentiel dramatique de scènes de guerre très violentes pour relancer ou contraster une dramaturgie; dans La ligne rouge, l'attaque par les Marines de la butte tenue par les Japonais est un moment intense de son chef-d'œuvre qui exprime la folie furieuse des hommes au combat, un combat de plus en plus rapproché qui virera au corps-à-corps une fois la butte conquise.
Ces séquences sont devenues un moment d'anthologie du cinéma.
Bien cordialement,
RC
PS : Un hors-série du Figaro consacré au Jour le plus long est encore disponible. Un papier consacré au débarquement vu par Hollywood offre des éléments et des anecdotes intéressants. |