Bonsoir,

L'atout de Pierre Pellissier est sa curiosité alliée à un sens du terrain historique, des hommes et des femmes dans une guerre réellement atypique.
Ce chercheur lève souvent son nez des cartes d'état-major et des listes d'effectifs pour nous faire entrer dans le tissu social et militaire des préparatifs de la grande bataille voulue par les deux protagonistes. Pour rédiger le résultat de son enquête sur le choc de Dien Bien Phu, il a consulté les archives de la prévôté de la base d'opération qui va rapidement devenir un camp retranché : déserteurs, faux ou vrais, agents doubles ou triples, tirailleurs maliens, guinéens et sénégalais en permission plus ou moins officielles, business divers, etc, etc.
Dans cette guerre indochinoise, on se rend compte que la population vivait au contact direct du Corps expéditionnaire, ce qui modifiait sur le terrain les rapports. Ainsi, il écrit :
"Le plus incroyable tient à certains aspects de la vie quotidienne dans cette vallée que l'on imagine déchirée par la guerre, dévastée par les obus, les mines et les bombes. Il reste et il restera de longues semaines une vie hors du camp et des civils dans le camp, les uns et les autres se côtoyant comme ils l'entendent. Il serait absurde de croire que le camp retranché est un monde clos, ceinturé de clôtures, entouré de fortins et de miradors (...) Dien Bien Phu est, par certains côtés, une fourmilière où vont et viennent des militaires affairés, des camions soulevant une poussière nuageuse, des PIM en corvée trottinant avec leurs fardeaux, des civils qui semblent ne rien avoir à faire dans cet invraisemblable caravansérail : familles des supplétifs et agents du GCMA, indigènes qui n'ont pas voulu quitter la vallée et vivent dans les hameaux subsistant aux alentours."

Note : PIM = personnel interné militaire ou prisonnier interné militaire. La Wehrmacht avait déjà utilisé des auxiliaires-prisonniers sur le front de l'Est pour des travaux d'aménagement et autres. RC
Et plus loin :
"Tout ce petit monde, villageois, anciens de Lai Chau, dames des bordels, permissionnaires, agents des services spéciaux, se croise, se côtoie, avec tous les risques et les avantages d'une telle situation."
Et l'auteur de nous dire que Giap et son état-major profitaient directement de cette multitude en déplacements constants...

Je retrouve dans certaines pages du livre de Pierre Pellissier, la rigueur historienne en plus, le souffle qui anime les récits d'Indochine de Lucien Bodard. Un bonheur pour le lecteur.

Bien cordialement,

RC